Italie, 1977. Le pays est aux prises avec la violence terroriste des Brigades rouges que la brutalité policière ne réussit pas à vaincre. Le gouvernement est aux abois, rien ne va plus, le pays est en train de changer, pour le meilleur ou pour le pire, on ne sait. Dans une petite ville entre Milan et Turin, des adolescents, la Mastrullo, petite, grosse, laide et super catholique, Mollo le fade, amateur de soccer, Franz le néonazi d’à peine seize ans, Attila le doux, celui qui raconte l’histoire, se débrouillent comme ils peuvent pour apprendre à vivre au milieu d’un monde d’adultes incapables ou brisés, absents ou méprisants. Ils doivent faire face à des professeurs pas toujours pédagogues, à des parents qui font tout pour se faire oublier quelque part dans une remise ou à l’église, à l’ennui infini qui mine leur patelin. Seul le grand-père trouve grâce aux yeux du narrateur. Un homme chaleureux, plein de bonté et finaud comme un matou. Il a vécu en Amérique, y a fait tous les métiers, est revenu en Italie parce que là-bas, quand la fête est finie, c’est pas le Pérou. Il a écrit un livre, qui a eu un succès énorme, « [s]ur la méthode optimale de lavage dominical du véhicule automobile à l’usage des Italiens ». Il vit seul, en toute simplicité, dans le souvenir de l’épouse disparue. Tout ce qu’Attila sait, il l’a appris de lui, dans sa petite maison au centre d’un jardin, qu’il fréquentait avec sa sœur Alice Tresses rouges Yeux bleus.
Dur, très dur, violent et cela semble si vrai, sans l’apparence d’un mensonge et sans fausse note. Cent un courts chapitres, comme des contes, rythmés, chacun coiffé d’un titre qui résume bien ce qu’on va lire, et ça coule de source, et on s’enfonce plus avant dans la vie de cette petite ville italienne. Franz joue les durs, il déblatère contre les professeurs, contre les femmes, contre tout ce qui bouge, sa violence est subite et froide, il donne des coups, il en reçoit, et c’est rarement à son avantage ; Attila aime la musique et il est amoureux de la belle Margherita qui fréquente le lycée des riches et il voue un culte à sa sœur Alice partie à Milan. Le sort la rattrapera et sa fin sera sordide. Le livre se termine là-dessus, sur cette désespérance qui atteint Attila. Il a tout juste quinze ans. La fin du monde est là, juste au coin, près de chez lui et c’est d’une tristesse absolue.
Un livre remarquable qui n’ose rien cacher, tout plein de bon sens et d’une vie puissante. Le pays des merveilles, c’est la vie tout simplement. C’est cela qui reste.