Troublant. Iconoclaste. Du désespoir à la Franz Kafka, de l’absurdité à la Samuel Beckett et un zeste de décadence à la Charles Bukowski. « Ma mission, c’est de cracher sur le monde et les hommes », admet le narrateur de Guide de Mongolie. Le récit ou conte philosophique laisse en bouche un goût d’impertinence un peu lasse, une impression d’inachevé, d’interrompu. Faut-il en accuser l’année de guerre 1992 où le roman a été écrit ? « Je fais un saut en rêve à Oulan-Bator et voilà qu’ici ils se mettent en guerre ! »
L’écrivain belgradois est né en 1953 en Serbie (ex-Yougoslavie), à la frontière bosniaque, là où « dans le monde de la veille, flottent des cadavres ». Dans les années 1990, l’enfant terrible de la littérature serbe s’éloigne de l’Association des écrivains serbes qu’il considère trop près du pouvoir, c’est-à-dire de Milosevic.
Quant au narrateur Basara, puisque dans le Guide l’écrivain s’identifie au personnage, il part en Mongolie à la demande d’un ami qui s’est suicidé, afin d’écrire « un grand reportage sur ce pays perdu ». Morts ou vivants, réels ou fictifs, les personnages sont plus bizarres les uns que les autres : « […] enfoncée dans un fauteuil en cuir, était assise Charlotte Rampling, qui buvait du cappuccino ».
L’écrivain pratique l’ironie et l’autodérision chères aux auteurs des Balkans, ce qui rappelle David Albahari ou Vladimir Tasic, ses compatriotes exilés au Canada. De qui Svetislav Basara parle-t-il quand il dit : « Ne discutons pas le choix du traducteur, l’essentiel est que nos ouvrages soient traduits » ?
Après avoir demandé qu’on inscrive sur ses livres à ne pas considérer pour le prix NIN – prestigieux prix littéraire serbe -, Basara revient sur ses positions et accepte le prix en 2007. Il n’est pas à une contradiction près. L’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, souvent controversé, s’est réconcilié avec son pays et malgré sa réputation sulfureuse a connu une brève carrière diplomatique comme ambassadeur à Chypre. Étonnant, vraiment.