Qu’il s’agisse un peu de lui ou non (l’auteur est libraire dans la vraie vie), Richard King a fait de son héros, Sam Wiseman, un libraire cultivé, propriétaire de Dickens & Compagnie, dans le centre-ville de Montréal. C’est lui qui, en venant réclamer le paiement d’une facture, découvre le corps d’un de ses clients, Harold Hilliard, professeur d’histoire à l’Université McGill, assassiné dans son bureau, le crâne pourfendu par un buste de Hegel Ainsi, directement associé au drame qui vient de se produire au sein de l’institution universitaire anglophone, Sam Wiseman participe à l’enquête aux côtés du détective Gaston Lemieux, dont il avait fait la connaissance quelque temps auparavant.
Aux deux personnages principaux, s’en ajoute un troisième : Montréal elle-même, parcourue, aimée, décrite dans ses moindres détails, jusque dans des lieux imaginaires, émanation de la métropole et de son âme hétéroclite, biculturelle, polymorphe. « Plus je connais les Québécois, plus je me rends compte que je suis loin d’eux. Chaque fois que je parle avec des gens ordinaires, avec qui je n’ai aucun rapport professionnel, je constate que nous n’avons presque rien en commun. Nous ne regardons pas les mêmes émissions de télévision, ne lisons pas les mêmes magazines, n’écoutons pas la même musique. Un sergent-détective qui s’intéressait à Dickens avait donc de quoi m’étonner. »
Dommage que le style, un peu bâclé, « sente » la traduction. L’intrigue policière est de facture classique ; le duo d’enquêteurs, des amis que tout oppose a priori – l’un est anglophone et l’autre, francophone ; l’un est un intellectuel et l’autre, un homme de terrain -, fonctionne à merveille : leurs raisonnements, leurs intuitions se complètent pour nous conduire jusqu’au dénouement sans effusion de sang et sans violence.
Une rareté appréciable pour qui la lecture figure au nombre des douillets rituels de préendormissement.