Un jour l’océan devint noir relate l’histoire d’Antonio, vieux marin accablé qui assiste, impuissant, au naufrage du Prestige et décide, dans un formidable geste de compassion, de sauver ce qui peut l’être : une mouette souillée se vêtira ainsi pour lui du linceul de la rédemption et fournira au vieux bonhomme éreinté l’occasion de donner un sens à sa vie d’homme, une parcelle d’humanité. En s’acharnant à soigner la mouette, peut-être Antonio parviendra-t-il à se guérir lui-même.
Le texte de cette courte nouvelle, qu’agrémentent de délicates aquarelles de Daniel Jolivet, né au Québec, fait la part belle aux valeurs à jamais universelles en se parant des attributs du conte moderne. Si le récit est parabole, l’écriture est poème. « Ses yeux aujourd’hui ne cherchent plus la ligne de l’horizon pour se perdre dans les rêves qui ont nourri sa vie, les désirs l’ont abandonné depuis longtemps, fatigué d’attendre de vaines promesses. » Atemporel, l’apologue d’Antonio n’en est pas moins ancré dans l’urgente actualité des menaces de pollution que l’homme fait peser sur l’océan, ce qui confère à l’allégorie une puissance d’engagement dont l’universalité est comme transcendée par l’immatérialité de l’émotion poétique.
Maria-Luisa Huertas, d’origine espagnole, est docteure en histoire de l’art et psychothérapeute à Biarritz, dans le Pays basque français. Elle signe ici, après Eloisa, un deuxième ouvrage remarqué aux éditions Atlantica. Mentionnons à l’intention des bibliophiles qu’Un jour l’océan devint noir est un beau livre (non relié, il est imprimé sur papier artisanal ivoire), la forme servant d’écrin au fond.