Curieux de copier le style d’un auteur consacré en créant un personnage qui se prend pour lui. Le dégoût d’Horacio Castellanos Moya ressemble à s’y méprendre à l’une des autofictions de l’écrivain autrichien Thomas Bernhard. Même haine viscérale pour le genre humain. Même admiration démesurée pour le génie littéraire et musical. Même intolérance pour la bêtise, le dogmatisme, le fascisme qui naît de l’inculture du peuple. Même maladie : un délire obsessif et paranoïaque qu’exprime la parole-vomissures jusqu’à la bile. Doublée d’un trouble de la personnalité. Les mots exécrable, ignominie, dégénérescence, imbécillité qui hachent les phrases de Thomas Bernhard, quel que soit le livre, sont le symptôme d’un malaise profond. Dans la bouche de celui qui les emprunte, ces mots sont les signes d’un mal encore plus troublant. Ce n’est évidemment par sur l’Autriche que crache le personnage tout au long de son monologue, mais sur son Salvador natal. Vega est salvadorien de naissance. Exilé depuis dix-huit ans à Montréal, il revient parmi les siens pour l’enterrement de sa mère. Il trouve en l’auteur (Moya) une oreille attentive. Vega parle du choc ressenti dès son arrivée devant l’état du pays. Les couloirs de la seule université publique, dit-il, sont maculés de déjections. Plus aucun cours d’art ou d’histoire n’y sont donnés. L’âme du peuple, brisée par une longe guerre civile, ne connaît plus que l’enivrement par le foot, le sexe et la bière. La condamnation vaut, semble-t-il, pour la plupart des nations. Autriche, Salvador : le dégoût est le même, interchangeable. L’auteur, interchangeable. Le style, instrumentalisé. Qui parle d’identité ? Qui parle de nation ? Le patriotisme tient sur du vide. C’est grâce à lui, selon Vega, que des tueurs (des centaines de milliers de morts sur les épaules) troquent leurs habits de militaires de gauche pour le veston-cravate de l’homme politique.
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