Porté une fois encore par la richesse et l’effervescence de ses années méditerranéennes, François Canniccioni se tourne pourtant vers un nouveau genre littéraire. On peut même parler de coup double, puisque l’enquête policière se double d’un récit historique. Des événements militaires dont la Corse a entretenu le souvenir en profitent pour faire surface.
Comme dans ses livres précédents, l’écrivain cultive l’observation minutieuse, vigilante et presque sourcilleuse. Il aime que l’élocution féminine conserve ses « pointes de modulation ». Des yeux d’un personnage, il dira qu’ils montrent « un brun trouble aussi profond que celui des eaux abyssales du golfe de Valinco ». Détails parfois longuets, mais toujours crédibles et constamment propices à la création d’une atmosphère inimitable. Quant aux pêcheurs et policiers qui s’adonnent à un subtil ballet de réticences et de restrictions mentales, l’auteur en fait de véritables « blocs de réalité ». Depuis La Juive, François Canniccioni ne cesse de confirmer ses dons de conteur. Depuis ce premier roman, l’écriture n’a cessé d’être précise, nerveuse, évocatrice.
Bouquin hybride, par conséquent, et qui emprunte des traits au récit historique comme au polar. Le mariage entre les deux genres n’est pourtant pas toujours réussi. D’une part, parce que le récit fait succéder un genre à l’autre au lieu d’entrecroiser vraiment l’enquête et le rappel historique. Il fait la part belle au roman policier pendant la première moitié, puis il court sur son erre et raconte des « exploits » mi-patriotiques mi-terroristes. D’autre part, parce que le monde cloisonné brillamment évoqué dans les premiers chapitres devient étonnamment transparent et bavard par la suite. La légende veut que la Corse cultive le silence jusqu’au mutisme et interdise farouchement la rupture des allégeances ; ce n’est pas toujours le cas ici.