Entre l’hôtel luxueux où descendent les voyageurs fortunés venus du Nord et le bidonville de La Paz, Maria court après le rêve qui a réchauffé son enfance dans un orphelinat bolivien : écrire l’histoire de son pays et des gens qui y vivent. Entre le Québec où son père journaliste a émigré pour échapper à la censure et la poésie de son rude pays natal, Alcides hésite. Entre la salle du conseil d’administration d’une grande entreprise canadienne et la mine où travaillent dans de difficiles conditions une poignée de mineurs écœurés par la corruption politique, le narrateur canadien nourrit ses ambitions. Autour de ce trio, Patrica, Manuella, Sofia et Anthia survivent, plus mal que bien. Mais le rêve de Maria, trop grand pour la dureté de sa vie de femme bolivienne, se heurtera au destin qui répondra, du même coup, aux hésitations et à la fierté d’Alcides et changera à tout jamais le regard du narrateur.
Âpre et dur, le second roman d’Andrée Laberge traduit la réalité commune à trop de femmes, d’enfants, de travailleurs et d’Indiens de La Paz et des hauts plateaux de l’Altiplano bolivien. Une réalité insoutenable, intolérable, à laquelle tente d’échapper le narrateur canadien, qui ressemble trait pour trait à tant d’Américains et d’Européens volontairement ignorants du chaos social, politique et économique qui marque des continents entiers.
Le roman d’Andrée Laberge ne fait cependant pas étalage d’images de misère ni de bons sentiments. Avec pudeur, l’auteure raconte plutôt les destins entrecroisés de ses personnages avec tout l’amour que, manifestement, la Bolivie lui inspire. Et le lecteur reste longtemps hanté par la dignité des femmes boliviennes, la force d’Alcides et les méandres du remords qui ramèneront le narrateur dans les rues de La Paz, transformé et prêt à accomplir le dernier rêve de Maria.
Un roman troublant.