Le titre évoque le ras-le-bol d’un auteur qui, en sa triple qualité d’écrivain, d’éditeur et de professeur de littérature, récuse les diktats qui régissent la vie culturelle d’ici. À la fois défense et illustration de la langue, de la culture et de la littérature, La mèche courte rassemble un mémoire et des conférences remaniées aux fins de la présente publication, sauf le dernier chapitre, « J’ai bon dos », où Gilles Pellerin réplique aux décideurs qui, au nom d’une pseudo-démocratie, rejettent tout ce qui, à leurs yeux, n’est pas du gabarit Grand Public. Dans les chapitres précédents, il aura dénoncé l’industrie touristique et l’impérialisme culturel qui mettent en péril la diversité des langues et des cultures ; les médias qui méprisent le peuple en se targuant de le connaître, quand ils jugent trop élitistes les émissions qui s’intéressent à la vie intellectuelle − car il n’est pas de bon ton d’être intellectuel en ce pays ; il aura interpellé les bibliothécaires à courte vue qui condamnent à l’oubli des œuvres et des auteurs, quand on s’attendrait à ce que les bibliothèques « soient des havres de mémoire ». Son dernier coup de plume prend à partie l’école et le ministère de l’Éducation ; il souligne les aberrations que suscite le programme de français au collégial, et s’inquiète de ce que la médiocrité et la pensée mécaniste trouvent trop facilement place à l’école.
Plutôt que la langue approximative dont on ne saurait s’éloigner pour être vu comme un vrai Québécois, Pellerin réclame « [l]a langue de la dignité [qui ] n’exclut pas les mots du cru ». Il revendique le droit de s’écarter du réalisme en littérature sans être rejeté, le droit, comme écrivain, d’employer « l’incise, la métaphore, l’inversion, la connotation, l’allusion, la saillie », sans être mis au ban, « coupable d’élitisme ». Pourquoi faudrait-il renoncer « à la richesse des mots, au pétage de broue flamboyant, à l’image qui se prend pour de l’hélium » ? On l’aura compris, la verve et le style festif de Pellerin sont l’émanation de sa passion pour la langue, la culture et la littérature qu’il s’emploie à célébrer.