Le critique de cinéma Jean-Louis Bory (1919-1979) a fait partie d’une espèce aujourd’hui en voie de disparition, celle des véritables connaisseurs de l’histoire du cinéma dans son ensemble. La réédition de ses articles, parus pour la plupart dans le magazine Le Nouvel Observateur, nous fournit une excellente leçon de critique cinématographique de la part d’un écrivain au style vivant et au flair certain. Il faut toutefois admettre que Jean-Louis Bory a vécu une période faste du cinéma, à en juger par les films qu’il commente ici au fur et à mesure de leurs sorties respectives : Barry Lyndon de Stanley Kubrick, Violence et passion de Luchino Visconti, Derzu Uzala d’Akira Kurosawa, Face à face d’Ingmar Bergman, Salo ou les 120 journées de Sodome de P. P. Pasolini, mais aussi des films québécois comme Gina de Denys Arcand et Les Ordres de Michel Brault.
Pourquoi relire aujourd’hui les textes de Jean-Louis Bory ? D’abord pour apprécier son immense culture cinématographique, qu’il met au service de ses analyses au présent ; même lorsqu’il critique un banal film de vampires vaguement pornographique comme Spermula de Charles Matton, il en comparera les décors à ceux de L’Inhumaine, le plus beau film de Marcel L’Herbier. De plus, Jean-Louis Bory savait comment fournir au cinéphile le matériau nécessaire à une bonne appréciation de l’œuvre, sans pour autant devoir trahir le dénouement de l’intrigue. En outre, ces textes de Jean-Louis Bory célèbrent la dernière grande époque du cinéma de répertoire, lorsque l’Italie regorgeait encore de bons réalisateurs et qu’Hollywood n’occupait pas tout l’espace écranique.
On regrette que Jean-Louis Bory ait choisi de se suicider, dans un moment de déprime, car nous avons désespérément besoin de critiques exigeants, cultivés, capables de détecter les œuvres valables et pour qui les distributeurs s’acharnent à dénicher des films s’élevant au delà de la simple consommation immédiate. Mais ses écrits restent, compagnons pour une redécouverte d’une somme de classiques du cinéma.