Chien blême réunit onze textes, nouvelles, ébauches et fragment romanesque, de Heinrich Böll, décédé en 1985, dont la plupart étaient demeurés inédits jusqu’à ce jour. Si plusieurs de ces textes présentent un intérêt certain, celui de l’ensemble repose toutefois davantage sur leur caractère posthume (tous datent d’avant 1950), et sur la renommée de Böll lui-même, prix Nobel de littérature en 1972. Certains des textes sont achevés, d’autres par contre tiennent davantage de l’esquisse, du projet, ce dont rendent compte les notes du traducteur en fin de volume sur l’historique des manuscrits.
Le lecteur reconnaîtra les thèmes chers à l’auteur, qui seront repris par la suite dans ses romans et nouvelles. Heinrich Böll aura sans aucun doute été l’un des écrivains de sa génération qui aura dénoncé avec le plus de force et de courage l’absurdité de la guerre, décrit, avec un rare sens de la compassion, les affres qui conduisent les hommes à s’entretuer pour des motifs qui échappent le plus souvent à l’entendement des belligérants. Il n’y a pas ici de bons et de mauvais combattants, de bonnes ou de mauvaises causes. Il n’y a que des victimes qui ne savent plus à quel clan elles appartiennent. Certaines nouvelles reproduites dans ce recueil témoignent du souci de l’écrivain de rendre compte de l’horreur de la guerre sous toutes ses formes, de la responsabilité qu’il veut assumer auprès de ses semblables afin d’éviter que l’oubli ne chloroforme à nouveau les consciences. Il y a dans ces textes une portée morale, la conviction profonde qu’il vaut mieux dénoncer, condamner, plutôt qu’oublier les horreurs du passé. Sans jamais faire porter le blâme à ses personnages et là réside le pouvoir d’évocation de l’écrivain, l’immense talent de Böll – l’écrivain démonte, avec minutie, les mécanismes qui amènent les hommes à s’entretuer. Certains textes, comme la nouvelle éponyme, illustrent la détresse humaine de protagonistes emprisonnés malgré eux dans les rouages de conflits meurtriers, d’autres en décrivent la froide et cruelle mécanique. La plupart, peu importe l’angle retenu, atteignent leur cible et sont précurseurs d’une uvre qui aura marqué le vingtième siècle.