La veuve de Louis-Ferdinand Céline invite Véronique Robert dans le sauna, au sous-sol de sa maison, à Meudon. À l’extérieur, eucalyptus et lavande embaument.
Elles nous proposent un livre de sensations, intensément vrai. Lucette sait bien qu’on ne s’intéresse à elle que parce qu’elle fut la femme de. Mais la franchise de ses propos donne accès à son extraordinaire espace intérieur, où tout circule avec une superbe fluidité. C’est pourquoi aucune prothèse affective n’aura jamais remplacé son amour : « Depuis la mort de Louis, la vie ne m’intéresse plus. » Incapacité à effectuer le travail du deuil ? Non, ce type de conclusion ressemble trop au cliché des psys en mal de clientèle. Car si le manque persiste, chaque parole de Lucette dit que la réparation a tout de même eu lieu avec une sage dignité, évidente dans la force qu’elle a mise à défendre l’œuvre de l’homme qu’elle a accompagné et qui l’a soutenue.
Intransigeant et extrême, Céline fut surtout un être humain. La magnifique sensibilité de Lucette nous le rappelle : la médecine fut au cœur de sa vie, devançant même l’écriture : « Face à un enfant qui meurt, plus rien n’a d’importance, la littérature comme le reste. Tout paraît dérisoire. » L’auteur de Normance ne fut sans doute qu’émotion pure.