« Il existe deux sortes de livres. Ceux qui entendent vous rassurer, et ceux qui creusent votre peur en vous montrant la vie telle qu’elle est. »
Ta mort sera la mienne pue le soufre, en digne émule du roman Rage de Richard Bachman (alias Stephen King) ; on se souviendra qu’en 1999, à la suite de la fusillade de Columbine, King avait lui-même entrepris de retirer de la circulation commerciale ce roman, du fait que des têtes brûlées se réclamaient des actes du personnage de Charlie Decker au moment de perpétrer réellement des assassinats de masse dans des écoles.
Fabrice Colin expose un triste mythe de la culture de violence que nous donne à voir de loin en loin CNN. Lors d’un séminaire donné dans un motel du Midwest américain, un tueur de masse se déchaîne sur tous ceux qui ont le malheur de croiser sa route. Dans le genre, à elle seule la scène d’ouverture vaut le détour. Cultivant le fantasme nihiliste de tout voir flamber, l’esprit de destruction de ce Messager des derniers jours a été programmé par une secte d’illuminés comme on en a vu par exemple à Waco.
Voilà un roman qui se démarque des thrillers bon marché grâce à la précision chirurgicale de la langue de Fabrice Colin, pure poésie noire. Il faut accorder au Français une rare efficacité, presque cinématographique, dans les descriptions des actes meurtriers qui tiennent parfois de la barbarie systématique. Ta mort sera la mienne est rempli de ces phrases puissantes, dont la portée se prolonge un temps dans l’esprit du lecteur. Au fil de cette chevauchée démente sur la bécane de la mort, le road trip au pays de James Holmes devient prétexte à des passages stylisés qui donnent une profondeur manifeste au récit d’horreur.
En 2012, l’auteur français avait fait paraître Blue Jay Way, qui nous aspirait dans une spirale destructrice où la tension atteignait des paroxysmes aigus. Colin renoue avec la même structure du roman choral, cette fois faisant s’entrecroiser les histoires de trois personnages liés jusqu’à la fin dans un jeu de massacre impitoyable. Moins finement construit sur le plan scénaristique que Blue Jay Way, Ta mort sera la mienne fouille de manière néanmoins complexe et convaincante les motifs ayant conduit une espèce de cavalier de l’Apocalypse à exécuter de sang-froid des dizaines de jeunes innocents. Genèse d’un mass murderer tout simplement nommé Troy…
Il arrive que l’on tombe sur des livres bien écrits. Parfois, quelques thrillers atteignent un degré de profondeur psychologique percutant. Ta mort sera la mienne réunit ces deux forces et le lecteur en sort troublé.