D’abord, on est content : un nouveau livre de Matthieu Simard. Youpi ! Ensuite, on voit ce titre : La tendresse attendra. Ça sonne bien. Ça nous interpelle. Puis, en quatrième de couverture, ces mots : « Un roman de peine d’amour et de plomberie ». Et c’est tout à fait juste. C’est une histoire de tuyaux, de boyaux luttant contre la rouille, qui nous est racontée. Une histoire d’amour qui fuit et de larmes qui n’en finissent plus de couler. Une histoire d’hiver humide et de cœur qui traîne dans la gadoue. Et, par-dessus tout, c’est du Matthieu Simard. Youpi ! donc.
Car Matthieu Simard, c’est avant tout une voix. Un ton, une individualité. Un style et un humour reconnaissables entre mille. Et c’est cette maîtrise parfaite de ce que l’on pourrait appeler l’art de la phrase. Oui, il sait tourner une phrase, Matthieu Simard. Il sait la retourner sens dessus dessous, jusqu’à ce qu’elle ait dit tout ce qu’elle avait à dire – y compris sa charge de silence. Il sait jouer avec les mots, non pas par simple préoccupation esthétique, mais bien parce qu’il en connaît et en mesure tout le poids – la portée comme la pesanteur. Alors ça cogne, ça frappe. Ça chute. Parfois même, ça tue. Mais ça berce, aussi. Ça touche. C’est doux comme tout. C’est de la langue parlée si riche qu’elle devient véritablement de l’écriture. Une écriture qui parle, qui murmure à l’oreille. Et qui, comme peu d’autres, réconforte. Oui, Matthieu Simard possède un don très rare : celui de produire, avec seulement des mots, de la chaleur. Il en fait de grandes vestes de laine. Des tuques et des mitaines, des foulards et des bas de laine. Troués, bien entendu. Car à quoi bon se réchauffer si on oublie le froid ambiant, cela même qui à l’origine nous fait avoir à ce point besoin de chaleur ?
En fait, si la voix de Matthieu Simard est si réconfortante, c’est parce qu’elle est honnête, et sa parole, brute. Et, pour exactement la même raison, cette voix et cette parole inquiètent, troublent, font trembler de froid. Mais quelle est donc son origine, à ce froid ? L’existence même, sans doute. Le temps qui passe. La grisaille de novembre qui n’en finit plus de s’étirer. La platitude du quotidien. Et puis le vide, tout simplement. Celui dont ni le travail ni le sexe ne réussit à guérir. Celui qui, entre l’amour perdu et celui après lequel on court désespérément, se glisse, s’insinue partout.
Comme dans l’ensemble de l’œuvre de Matthieu Simard, le protagoniste et narrateur de La tendresse attendra est en quête d’amour. Démoli par l’amour perdu… et sidéré de constater que, celui qu’on trouve, on ne sait pas le garder. Ni le sauver de sa propre usure. Et alors on fait quoi ? On pleure et on devient plombier, voilà tout. Inconsolable que l’on est, on essaie tout de même de se consoler. On échoue lamentablement. Et puis encore. Et puis on se remet à écrire. Et si, par ses romans, Matthieu Simard témoigne de son époque, il ne faudrait surtout pas les réduire à cela. Car c’est toute la condition humaine qu’il nous expose. C’est un regard lucide sur l’amour, l’amitié, la création, le temps. Notre petitesse. Nos rêves de grandeur. Et le froid qui nous traverse quand on comprend qu’on est si seul qu’on ne peut jamais qu’aller vers l’autre. Sa solitude, à lui. Son intouchable attrait. Quitte à en ressortir encore plus seul qu’avant. Tant pis. C’est comme ça. On est vivant. Et c’est très bien ainsi.