D’un recueil à l’autre (celui-ci est son sixième), l’auteur réfléchit au monde qui s’offre à lui dans un « tranquille exode au fond de soi / à n’entendre que son cerveau battre / et son cœur réfléchir ».
Le recueil s’ouvre sur un poème qui relate le meurtre d’un adolescent dans une rue de Lafayette. On n’en saura pas plus, si ce n’est que, au même moment, Bossé embarque dans la navette qui le conduit à l’aéroport : l’opposition entre cet assassinat et la position privilégiée de Bossé donne la couleur des textes : ce monde est-il son monde ?
Le poète regarde la terre en se plaçant dans la position de l’astronaute, d’où le titre du recueil, Apesanteur. Il imagine ce que voit cet astronaute par le hublot de la station spatiale. Son regard s’étend à l’ensemble de la planète : « Course vers l’espace / marche vers Selma / guerre frette / tensions / raciales ». Un monde qui court à sa perte.
Les poèmes, résolument écologistes, expriment ses craintes et son impuissance face au désastre annoncé : « Tous les sci-fi façonneux de films […] / tous les scribouilleux de Perce-neige […] / tous les activistes pis les écolos d’la planète », peuvent, affirme-t-il, filmer, écrire, raisonner tant qu’ils veulent, « ça change e-rien ». On peut penser qu’il s’inclut dans cette liste. Malgré tout, ce recueil tend à refuser ce qui apparaît comme une évidence : la destruction prochaine de la terre.
Au cœur de sa pensée, la colère et la révolte : « Je refuse de quitter cette vie / mollement / en béni-oui-oui acceptant / le décisionnel fautif / de mes semblables ». Le problème c’est qu’il se sent, voire se sait, impuissant : les moyens pour améliorer les choses sont hors de son contrôle. Dans « Faire sa part », il ironise, rappelant la consigne des motels de placer la serviette de bain sur le crochet, comme ça, conclut-il, « notre planète sera sauvée ».
Chaque poème se construit autour d’un aspect de la désolation à venir : « Les icebergs s’mettent en ligne / pour se suicider » ; « Pour la flore / pour la faune / chaque jour / c’est Dachau » ; « Décimilisation sans fin de la diversité / l’écosphère continue à se faire faire les ongles / par les profits ».
Le constat est amer et marqué par le sombre héritage qu’il laissera à ses enfants : « Comment leur expliquer / sans faire pisser des larmes / que les seuls animaux avec zéro chance d’extinction / c’est ceuzes-là qui séduisent nos papilles / gustatives […] comment qu’on pourra leur expliquer / qu’on a remplacé la faune / par le repas ».
Il ne lui reste qu’un appel à l’aide : « Svp quelqu’un n’importe qui / rassurez-moi que le seul bouton au monde / capable de nous sortir de notre mess / i’existe pour de vrai ».
La poésie de Paul Bossé est incisive, directe, brutale. Il ne recherche pas les effets de style, mais l’efficacité de la parole, souhaitant bousculer ainsi l’inertie de ses semblables même si le pessimisme l’emporte sur l’espoir.