Dystopie dans laquelle les milices composées de Souchiens (citoyens de souche) soutiennent le Conseil qui dirige la France d’une main de fer et écrasent les autres castes asservies. Tout un programme.
En 2028, dans la société imaginée par l’auteur Gérard Mordillat, les citoyens utiles sont en haut de la pyramide et divisés en « Puissants, Possédants, Dominants, Sachants et Servants ». Tout en bas, les Inutiles que le système a rejetés, « de la chair à production, de la chair à canon », assignés aux plus basses corvées et parmi lesquels se retrouvent les étrangers, les Noirs, les artistes, les opposants à l’ordre établi, qu’avec l’accord de l’armée et de la police les meutes paramilitaires « traitent », entendre assassinent. Plus qu’un roman, Les roses noires se veut une charge politique contre la France d’aujourd’hui et ses dérives autoritaires.
Le romancier, poète, scénariste et documentariste de 49 ans, dont les allégeances gauchistes sont connues, a préféré la forme du roman à celles de l’essai ou du pamphlet pour dénoncer les totalitarismes gouvernementaux et les violences qui se multiplient présentement sur la planète. Il a déjà déclaré en entrevue : « Le roman est le dernier espace où l’expression est véritablement libre ».
Pour étayer sa thèse, Mordillat met en scène quatre femmes, Cybèle, Nora, Rome et Vivi, qui entraînent avec elles le poète Orden afin de préparer le prochain coup d’État. Le quintuor passe dans la clandestinité rejoindre Tank, leader de l’insurrection et « chef d’une bande de pillards et de voleurs, ennemis jurés des meutes ». Autre pièce importante du puzzle, il faut savoir que le cruel Tank et l’héroïne Rome sont frère et sœur, les enfants rejetés du milliardaire Arthus de Thorigny, dit Thor, la tête pensante du Conseil, la personnalité qu’il faut éliminer. Avec l’aide de sa conjointe Sixtine, ce dernier fait enlever sa propre petite-fille, l’enfant de Rome, pour l’élever comme sienne, puisque selon celle-ci « sa femme doit être stérile comme une vieille capote et ce salaud lui a donné mon bébé ! » La guerre peut commencer.
Mettre fin à la tyrannie ne se fait pas dans la dentelle, peu s’en faut, et pour abattre l’ennemi, les membres de la résistance sont eux aussi prêts à aller jusqu’au bout de leur violence. « Rome se sentait de force à tenir tête à celui qui se voulait le Grand Dominant. […] Elle se sentait prête à tuer. À être la colère en acte. »
L’écrivain parisien a son franc-parler, souvent cru et brutal, ce qui ne l’empêche pas d’introduire dans le texte des poèmes souvent à saveur révolutionnaire, ni de faire référence à l’art avec un grand A : « La guerre était là, aussi manifeste sous ses yeux que la mort sur une toile de Bacon ». Les roses noires est un roman d’anticipation complexe où inégalités sociales, racisme, sexisme, éradication de toute expression culturelle, pauvreté et révolte s’entremêlent pour décrire froidement ce que pourrait être demain une société dictatoriale et déshumanisée.