Federico Fellini aurait eu 100 ans en 2020. Durant les années 1960, on le considérait comme le cinéaste le plus imaginatif au monde, dépassant même Chaplin, Welles, Antonioni et Bergman.C’est au cours de cet âge d’or du cinéma que Federico Fellini (1920-1993) a réalisé ses plus beaux longs métrages (dont La Dolce Vita en 1959 et 8½ en 1963) ; c’est aussi au moment d’atteindre le cap de la quarantaine qu’il a entrepris de retranscrire et de visualiser ses rêves. À ne pas confondre avec le catalogue Quand Fellini rêvait de Picasso d’Audrey Norcia et Jean-Max Méjean, paru en 2019 aux éditions Rmn, cet énorme Livre de mes rêves reprend les carnets secrets du cinéaste, qui retranscrivait ses rêves et cauchemars en les illustrant de croquis. Comme une invitation à la psychanalyse, Le livre de mes rêves est incontestablement, à mon avis, la publication la plus intime sur le cinéma. On sait par ailleurs que le philosophe Theodor W. Adorno faisait de même, et ses rêves ont également été traduits en français.Doué d’une imagination foisonnante et marqué durant sa jeunesse par le fascisme vécu de l’intérieur, Fellini décrit ses obsessions d’artiste vivant dans l’Italie catholique : la tentation adultérine, la luxure, les liaisons dangereuses, les chemins interdits et les barrières qui le bloquent, sans oublier l’idée récurrente du doute quant à l’existence de Dieu. En 1961, Fellini écrivait : « […] je n’arrive pas à faire un pas. Il y a partout des bennes de ciment, des tubes, des poteaux, des perches, des tas de gravier, de sable, de bidons. Un petit escalier en colimaçon monte en spirales en dehors de ce labyrinthe ». Les accusations, les punitions et le sentiment de culpabilité y sont omniprésents : « On m’a emprisonné et je ne sais pas pourquoi ».On reconnaît dans ces récits oniriques l’atmosphère du prologue étouffant de 8½, ou la séquence insolite du vieillard perdu dans l’épais brouillard, dans Amarcord (1973). Ces séquences exprimaient l’angoisse de la mort.Les rêves de Fellini constituent un matériau brut et parfois démesuré, exempt de toute censure ; il ne s’agit pas d’un texte continu, et ces carnets n’étaient évidemment pas destinés à être publiés. L’excellente traduction française de Renaud Temperini est indispensable : toute la dernière moitié du livre reprend page par page les textes – d’une calligraphie souvent illisible – et annotations (qui sont en italien dans la première moitié). Tout ce livre nous ramène à une œuvre restée inégalée, et désormais enrichie par ces archives inespérées.
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