Western ou thriller, peu importe, ce fascinant polar raconte un drame familial survenu au cœur du Texas, tout en soulignant la violence raciste et souvent silencieuse des lieux. Décrire avec subtilité les mœurs de l’Amérique profonde des années 1970 est un défi relevé de main de maître par l’écrivain britannique.Dans Le chant de l’assassin, R. J. Ellory met en scène le taulard Henri Quinn, qui, au moment de sa sortie de prison, promet à son codétenu Evan Riggs de retrouver sa fille Sarah pour lui remettre une lettre. Quinn est reconnaissant à son compagnon de cellule de lui avoir sauvé la vie à son arrivée au bagne trois ans plus tôt. Il veut prouver son amitié sincère à cet ancien musicien de renom, condamné à perpétuité pour meurtre. Il ne savait pas qu’il mettrait la main dans un panier de crabes, et pire encore, car pour respecter son engagement, il lui faudrait rencontrer et affronter le puissant shérif de Calvary, Carson Riggs. Le frère d’Evan met en effet tout en œuvre pour empêcher Quinn de remplir sa mission, ne sachant pas encore que celui-ci fait « manifestement partie d’ces gens qui tiennent leur promesse vaille que vaille quand ils en font une ». Envers et contre tous.Quinn découvrira pourquoi les habitants de la bourgade lui sont si hostiles, pourquoi ils semblent terrorisés, pourquoi depuis trente ans ils acceptent de vivre sous l’autorité d’un cruel shérif qu’ils craignent et détestent. Le conflit entre les frères Riggs, dont l’un s’est peut-être retrouvé derrière les barreaux par la faute de l’autre, a eu lieu il y a longtemps, mais la haine perdure.Très fluide, le récit fait alterner les années 1940, quand commence le drame, et l’année 1972, alors qu’ont lieu les mille et une batailles de Quinn. Ces allers-retours dans le temps permettent de comprendre pourquoi des citoyens de Calvary sont impliqués dans une saga parsemée d’actes honteux, de secrets et de non-dits, qui semble à première vue concerner uniquement la famille Riggs. « On a souvent dit que le mal n’a pas besoin d’autre terreau pour prospérer que le silence et l’inaction des gens de bien. »Triangle amoureux, jalousie, trahison, vengeance, abus de pouvoir ; tous les ingrédients d’une tragédie classique se retrouvent dans cette fresque au dénouement inéluctable. Le titre Le chant de l’assassinn’est pas la meilleure traduction du titre original Mockingbird Songs. Le polar d’Ellory, véritable page-turner, ne cesse cependant de rappeler la signification du titre en anglais : « L’oiseau moqueur imite le chant des autres oiseaux […], un don extraordinaire qu’il paie du sacrifice de sa propre voix ».« L’amour change le monde, dit-on, autant pour celui qui aime que pour celui qui n’aime pas. » Tel est le destin des protagonistes, qu’ils vivent comme une fatalité.
LE CHANT DE L’ASSASSIN
- Sonatine,
- 2019,
- Paris
491 pages
34,95 $
Trad. de l’anglais par Claude et Jean Demanuelli
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