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Type de livre : essai
LA FIN DE LA CULTURE RELIGIEUSE
En 2020, le gouvernement de François Legault sonnait le glas du programme Éthique et culture religieuse (ECR), lequel avait été introduit dans les écoles primaires et secondaires du Québec en 2008, dans la foulée de la déconfessionnalisation. Place au programme Culture et citoyenneté québécoise !
Le programme ECR, minutieusement conçu par un large groupe d’experts à l’issue de consultations exhaustives, venait de rendre l’âme sous les coups répétés des groupes de pression. Ce qui avait fait polémique, c’était bien sûr le volet « culture religieuse », qui avait pour but d’enseigner la tolérance et la reconnaissance de l’Autre dans une société de plus en plus cosmopolite.
Pendant ses douze années d’existence, le programme aura ainsi essuyé un feu nourri venant de tous les horizons : les féministes l’accusaient de plier l’échine devant des religions ontologiquement sexistes et patriarcales, les athées (sous l’appellation laïcs) l’accusaient de nourrir des superstitions archaïques, les croyants l’accusaient de promouvoir le relativisme – sinon l’athéisme, les nationalistes l’accusaient de concourir à l’ensevelissement du peuple québécois en jouant le jeu trudeauiste du multiculturalisme. À coup de communiqués, de colloques, de déclarations incendiaires et même de poursuites judiciaires, tout ce beau monde revendiquait la liberté de conscience pour son propre camp.
Mireille Estivalèzes n’a pas contribué à la conception du programme, mais elle formait les enseignants qui devaient l’appliquer. Pour elle, le programme ECR, aboli pour de mauvaises raisons, est sur le point d’être remplacé par un programme brouillon dont la mise en place improvisée s’annonce catastrophique.
Son ouvrage, dense mais limpide, offre à la fois une analyse complète des critiques exprimées à l’égard du programme abandonné, un exposé plus général sur l’histoire des notions de liberté de conscience et de religion, et une réflexion sur la mission sociopsychologique de plus en plus éclatée qu’on cherche à confier à l’école.
L’autrice n’est pas tendre à l’égard des détracteurs du programme. Tout le monde y passe, depuis les croyants arborant parfois une vision passéiste et figée de la religion jusqu’aux laïcs faisant preuve d’une inculture renversante : « D’une part, leur détestation des religions témoigne d’une profonde ignorance de ce que nos sociétés contemporaines doivent au christianisme, en particulier en matière de valeurs. D’ailleurs, le principe même de laïcité fait partie de cet héritage. D’autre part, ils méconnaissent l’importance du rôle qu’ont exercé certains chrétiens dans la Révolution tranquille, et tout particulièrement dans la sécularisation de la société québécoise ». L’autrice dénonce aussi chez ces laïcs une intolérance qui dépasse souvent celle qu’ils attribuent au camp d’en face, et qui se traduit par une interprétation étriquée de la notion même de laïcité.
Elle n’est pas tendre non plus à l’égard du gouvernement, qui, selon elle, a simplement cédé, dans un esprit populiste et probablement en raison de préjugés antireligieux entretenus chez les décideurs politiques eux-mêmes, à des pressions mal étayées mais véhémentes et allégrement colportées par des médias qui n’ont pas cherché plus que les autres à creuser la question.
Mireille Estivalèzes l’affirme avec toute la conviction de celle qui connaît le programme de l’intérieur : ECR avait été soigneusement conçu pour enrichir les jeunes d’une culture socioreligieuse objective dans un but ni de prosélytisme ni de déconstruction des religions, mais plutôt de réflexion sur soi et d’ouverture sur les autres. Les enseignants, d’ailleurs, étaient formés à ne pas laisser transparaître leurs propres convictions. Comment tout cela se passait-il sur le terrain ? La réponse est peut-être moins claire mais, justement, selon l’autrice, il aurait fallu au moins enquêter avant de poser un diagnostic, ce qui n’a pas été fait.
On peut toujours s’interroger sur le fait que Mireille Estivalèzes ne semble prête à reconnaître aucun défaut audit programme, mais il faut lui accorder que son analyse est complète et sérieuse, autant sur les questions de fait (présentation et réfutation détaillées des arguments) que sur les questions plus philosophiques (pertinence de la culture religieuse en soi, légitimité de la religion et de la foi aux côtés de la philosophie et des visions matérialistes du monde, même dans une société sécularisée, et, de manière plus générale, pédagogisme et rôle de l’école).
Le nouveau programme annoncé, Culture et citoyenneté québécoise, a pratiquement évacué toute mention de la religion sous quelque angle que ce soit. Pour l’autrice, cette approche nie vainement et dangereusement une réalité qui fait et fera toujours partie de l’histoire de l’humanité et de nos sociétés.
MATHILDE BRABANT
Mathilde est sur scène au théâtre Gesù, cachée dans le ventre d’une marionnette géante. Elle en sortira bientôt, comme naguère du ventre de sa mère. Naine et orpheline, Mathilde s’est inventé jadis une mère tsarine, représentée par la marionnette. Maintenant septuagénaire, elle remonte le fil de sa vie.
Il y a des décennies que Mathilde n’a pas joué, mais elle l’a beaucoup fait sans être vue, toute naine qu’elle est. C’est d’ailleurs l’un des rôles qu’elle a interprétés pendant un quart de siècle qui a mis sur son chemin le jeune acteur Antoine Rompré, rencontré à une assemblée générale de l’Union des artistes. Enfant, Antoine avait été fasciné par la série télévisée Brimborion et Fleur de sel, dans laquelle Mathilde animait la marionnette à gaine de Brimborion et lui prêtait sa voix. Des atomes crochus entre les deux, et voilà que se tisse un lien d’amitié, au point que Mathilde en arrive à lui confier son histoire, les moments révélateurs que même sa grande amie, l’actrice Rachel, ignore. Il lui propose d’en faire une pièce qu’il mettrait en scène et dans laquelle il jouerait tous les rôles secondaires. Au cours des répétitions en 2005, il devient évident que la pièce prendra la forme d’un one woman show.
Nous sommes en 2008. Le grand mensonge est présenté pour la millième fois, mais devant la colonie artistique montréalaise cette fois. Un chassé-croisé sans souci de chronologie nous transporte dans les moments marquants de la vie de l’actrice en remontant jusqu’en 1930, année de sa naissance. Dans un mouvement de va-et-vient, le narrateur quitte la scène pour retourner dans la vie de Mathilde, saisir tel événement, telle rencontre significative. Un narrateur à la troisième personne empruntant le regard de Mathilde va ainsi du plateau de théâtre à la vie de l’héroïne. Il adopte le franc-parler de celle qui pense ainsi camoufler sa fragilité.
Portrait en action avec, en toile de fond, le Montréal des années 1940, pour les scènes à l’orphelinat dirigé par une sœur Saint-Honorine toute rigide ; celui des années 1950 et 1960 avec la fin des séries radiophoniques et l’arrivée de la télévision ; les nuits de Montréal dont Brenda, la voisine, amie de Mathilde et danseuse au Blue Sky, nous donne un échantillon. Rencontre qui aura une incidence déterminante sur la vie de Mathilde, qui se sentira moralement et affectivement responsable du fils de la danseuse après que cette dernière aura été assassinée. Le titre de la pièce, Le grand mensonge, fait d’ailleurs référence à Paul-Kim, cet enfant qu’elle a fini par adopter.
Isabelle Doré, connue d’abord comme femme de théâtre, fait preuve dans son premier roman d’un doigté certain, en usant du procédé de mise en abyme par lequel elle insère le théâtre à l’intérieur du roman, le premier censé représenter ce que raconte le second, soit la vie du personnage hors norme de Mathilde Brabant.
TRAVAILLER MOINS NE SUFFIT PAS
Le travail occupe une place centrale dans nos vies. Il est source de gratification et de bonheur, mais aussi de stress et même parfois d’affliction. Est-ce que réduire le temps de travail offrirait la solution pour enfin améliorer notre qualité de vie ?
C’est à ce questionnement que s’est attelée Julia Posca, sociologue et chercheure à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Elle commence par explorer les tentatives visant à réduire la semaine de travail à 4 jours ou encore à 32 heures. La liste des arguments en faveur de cette mesure est longue : en distribuant mieux le travail, de l’emploi est créé, les gaz à effet de serre diminuent – il y a moins de déplacements –, la santé physique et mentale y gagne, la production demeure sensiblement la même, la surconsommation est freinée, bref, la qualité de vie augmente sur plusieurs plans.
Posca note la tendance historique vers la réduction du temps de travail. Au Québec, en 1894, la semaine de travail fut fixée à un maximum de 60 heures, soit 10 heures par jour, « mais pour les femmes et les enfants uniquement ». Elle est passée ensuite à 58 heures en 1908, à 48 heures vers 1920, à 45 heures en 1976, pour finalement s’établir autour de 40 heures vers l’an 2000. Malgré cette réduction, le niveau de richesse et de production s’est maintenu.
L’originalité du livre de Julia Posca ne se trouve cependant pas, comme le titre l’indique, dans l’unique idée de travailler moins. Enfin, à quoi servirait-il vraiment de travailler moins si le système capitaliste et de consommation débridée continue de nous mener tout droit dans le mur ? « Travailler moins chaque semaine, tout en maintenant des emplois qui répondent à des besoins superflus, c’est aussi entretenir un modèle économique basé sur un pillage des ressources naturelles qui demeure fondamentalement insoutenable. » Ainsi une flèche est-elle décochée à l’endroit des partisans de la liberté 45 et du FIRE (Financially Independant, Retired Early). En effet, ces mouvements qui invitent à prendre tôt sa retraite de la vie active comptent sur leurs investissements dans les marchés financiers pour atteindre le luxe de la dolce vita, marchés qui se maintiennent grâce à la production de marchandises souvent superflues et rapidement obsolètes, la dégradation des écosystèmes, le pétrole, le travail des autres, etc. S’y ajoute le fait qu’il est logiquement impossible de généraliser ce mode de vie ; il faut bien que quelques-uns, en réalité la majorité, fassent le boulot.
Il ne suffirait donc pas de travailler moins, aux dires de la sociologue, mais de retrouver « l’unité du travail et de la vie », selon le mot du philosophe André Gorz. À la fin de son livre, Posca suggère une série de mesures allant dans ce sens : démocratisation de l’économie, production de biens essentiels, mode coopératif des entreprises, dépassement des logiques de concurrence et implantation de sévères normes environnementales, notamment.
On le constate, depuis la pandémie, les remises en question du travail se multiplient, et ce, malgré les dangers du manque de main-d’œuvre qui pointent partout. Probablement qu’une majorité de travailleurs ne chercheraient pas à prendre leur retraite le plus tôt possible si leurs conditions d’emploi s’assouplissaient et, surtout, si leur travail avait plus de sens en participant à la construction d’un monde plus humain. Le temps est mûr pour revoir nos façons de faire et notre mode de vie.
LECTURES À TOUS VENTS
Fruit de 30 ans de collaboration avec le magazine Nuit blanche, cet ouvrage ne propose ni rétrospective ni panorama du monde des livres. L’auteur préfère y voir une flânerie parmi les littératures du XXe siècle, espérant rendre son plaisir de lire communicatif.
C’est la deuxième fois que le mot lecture apparaît dans le titre d’un ouvrage de Roland Bourneuf. Il figurait déjà dans sa toute première publication, en 1969, aux Presses de l’Université Laval : Saint-Denys Garneau et ses . . .
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JE VOUS ÉCRIS DE KABOUL…
En 2023, une telle violence organisée contre les femmes semble inimaginable. Et pourtant. Le dialogue entre Khatera, résistante afghane à bout de souffle, et Maurine, journaliste française impliquée malgré elle dans une histoire aberrante, donne froid dans le dos. Les larmes de désespoir du lecteur ne sont jamais bien loin.
Khatera Amine et Maurine Bajac sont des jeunes femmes dans la vingtaine, l’une née en 1994, l’autre en 1996, toutes deux tellement décidées et si courageuses qu’on pourrait les croire beaucoup plus vieilles. Unissant leurs forces malgré les 5 500 kilomètres qui les séparent, elles ont voulu témoigner de la vie non seulement moyenâgeuse, mais surtout cruelle et phallocrate qui règne à nouveau en Afghanistan dans Je vous écris de Kaboul…
L’Afghanistan, l’Absurdistan. Il faut se souvenir. Il y a à peine deux ans, en 2021, au moment de la dissolution de la mission internationale Soutien déterminé (Resolute Support) de l’OTAN, titre ô combien ironique aujourd’hui, le pays a connu le retour en force des fondamentalistes islamistes. Le 15 août, très exactement, les autorités talibanes ont repris le pouvoir à Kaboul, sans avoir à livrer de combats. « Tout ce que les Afghans, et les Afghanes en particulier, ont bâti pendant vingt ans a disparu. »
Khatera Amine, « célibataire, éduquée, féministe, consultante pour l’ancien gouvernement », est vite devenue une cible de choix pour les nouveaux maîtres du pays. Elle avait essayé de fuir à la fin d’août 2021, mais sans succès. « Il y a trop de demandes. Trop de panique. Trop d’effroi. Tout le monde veut partir. C’est devenu impossible de joindre qui que ce soit. Institutions, associations, plus personne ne répond. » Elle est ensuite refoulée à l’aéroport de Kaboul, comme tant d’autres : « Je ne monterai dans aucun avion, ni aujourd’hui, ni demain. Je ne partirai peut-être jamais ».
En utilisant son compte Twitter, elle lance une bouteille à la mer : « Le hashtag #Afghanistan me propose plusieurs tweets de journalistes du monde entier. […] Je m’abonne à leurs comptes, au hasard ». Ce sera la journaliste française Maurine Bajac qui accueillera son appel à l’aide et y répondra. Ainsi naîtra leur amitié.
Depuis, Maurine tente tout pour que Khatera puisse se réfugier en France, mais en vain. Du fond de sa clandestinité, cachée sous sa burqa, la jeune Afghane, recherchée et menacée, décrit l’oppression et l’enfermement que vivent les femmes de son pays sous la botte des talibans. Les deux amies demeurent sur le qui-vive : « À chaque nouvel enlèvement d’activiste ou de proche de l’ancien gouvernement afghan, nous coupons court à nos échanges ».
À force d’efforts et d’entêtement, leur témoignage sera édité puis publié : « K, on va l’écrire, ce livre. On va raconter ton histoire. […] C’est le plus beau jour de ma vie, Maurine. Ça veut dire que quoi qu’il m’arrive, ils ne m’arracheront jamais ma liberté ».
Khatera Amine conclut en sagesse : « Je ne suis pas l’héroïne de ce livre, j’ai décidé d’être celle de ma vie ».
CAPILLAIRES
Les quatorze textes qui composent ce recueil parlent des cheveux et de la pilosité, démontrant toute l’importance accordée à ceux-ci par autant de collaboratrices et collaborateurs.
On pourrait penser qu’un livre focalisant le propos sur la chevelure sera superficiel, mais c’est tout l’inverse : les sujets abordés dans Capillaires vont de l’identité de genre à la peur de vieillir ou de mourir, en passant par les gestes et les convictions politiques. S’il y est souvent question d’apparence, les idées avancées n’ont rien de . . .
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LES SAUMONS DE LA MITIS
Un spectacle raconté en mots et en images. Un livre où les illustrations ajoutent au texte une dimension à la fois tributaire du spectacle et porteuse d’une émotion neuve.
L’actrice et dramaturge québécoise Christine Beaulieu fut invitée en 2021 à présenter une performance, sous la formule carte blanche, dans le cadre idyllique des Jardins de Métis. Forte du grand succès de J’aime Hydro, elle allait concevoir une nouvelle œuvre de théâtre documentaire spécialement adaptée au lieu. Elle serait inspirée cette fois par l’extraordinaire équip . . .
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LE LABYRINTHE DES ÉGARÉS
Depuis le XVe siècle, les Occidentaux ont exporté partout sur la planète leur vision du monde, forts de ce qu’ils croyaient être leur supériorité morale et au nom d’un libéralisme économique qui servait leurs intérêts. Le dernier opus d’Amin Maalouf inscrit les tensions de notre époque dans les contrecoups de cette invasion.
D’entrée de jeu, dans Le labyrinthe des égarés, l’écrivain précise : « [M]on propos […] se limitera aux pays qui, au cours des deux derniers siècles, ont tenté de mettre r . . .
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LES NOUVEAUX INQUISITEURS
Il se dit bien des choses sur le wokisme. La journaliste Nora Bussigny a décidé d’infiltrer le milieu des militants antiracistes et intersectionnels pour voir directement de quoi il retourne. Elle nous livre ici un compte rendu de cette expérience de presque un an.
Pour se préparer, l’auteure s’est d’abord documentée en lisant d’autres récits d’infiltration, dans le monde policier mais pas seulement, par exemple Steak Machine de Geoffrey Le Guilcher (sur les abattoirs) et 10 jours dans un asile de . . .
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CE CHEMIN SOUS MES PAS
L’auteure a décidé de raconter à ses trois petites-filles son parcours de vie « à partir de phrases, dit-elle, qui m’ont été adressées au cours des ans et qui me sont restées en mémoire ». Le titre des soixante-trois chapitulets du récit qui s’ensuit est alors composé de citations placées entre guillemets, tirées de propos entendus et notés au long d’une existence d’avocate tissue d’activités nombreuses et variées.
Le stage que l’École du Barreau prévoit pour ses diplômés s . . .
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DES FORMES UTILES
On présentait autrefois Anne Hébert en recourant à une expression qui aujourd’hui ferait sourire. On disait qu’elle était une « grande dame » des lettres québécoises. La formule avait le mérite de souligner son importance. Elle pourrait reprendre du service dans le cas de Martine Audet.
Un bref avant-propos ouvre le recueil. La poète y confesse avoir lu un peu trop rapidement un énoncé. Elle avait substitué au mot ronde celui de monde. Il en résultait la phrase suivante : « Je n’avais jamais remarqué que le monde n’était . . .
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CURIOSITÉS DE L’ÎLE D’ORLÉANS
« Quarante-deux milles de choses tranquilles », mais aussi de choses à voir, à découvrir et à faire, pourrait-on ajouter pour paraphraser la chanson « Le tour de l’île » de Félix Leclerc. Mais savons-nous encore observer et décoder le patrimoine bâti ?
Il serait si simple de parcourir l’île d’Orléans en n’observant que les points de vue grandioses sur le fleuve et en admirant l’architecture des maisons ancestrales. Mais il serait bien plus formateur de découvrir le patrimoine, les lieux de mémoire qui s’y rattachent et d’innombrables particularités souvent bien cachées, comme ces deux grottes, dont celle d’Argentenay, dissimulée sur la pointe ouest. Comme un complément logique aux Curiosités de la Côte-de-Beaupré, du même auteur (avec Frances Caissie), ces Curiosités de l’île d’Orléans proposent une centaine de découvertes et d’attraits pittoresques. Il ne s’agit pas d’égaler la somme de Michel Lessard, L’île d’Orléans. Aux sources du peuple québécois et de l’Amérique française, ouvrage monumental des Éditions de l’Homme auquel avait participé Pierre Lahoud (voir notre article « Une île en mots et en images », Nuit blanche, no 73). Mais le nouveau guide que signe ce dernier sera indispensable à tout visiteur conscient de la richesse des lieux-dits et de plusieurs des sites datant d’avant 1759. À première vue, il est difficile de dater ou de deviner la valeur historique de ces lieux. Érigé aux alentours de 1730, le moulin à eau de Saint-Laurent constitue un bon exemple d’une curiosité à contextualiser afin d’en expliquer l’origine, la fonction initiale et les nombreux usages au fil des siècles.
On pourrait définir une curiosité comme une construction incomparable ou un emplacement insolite qui ne révélerait pas tout son intérêt historique. Ainsi, le promeneur non initié pourrait ne pas soupçonner que la toute petite maison Carbonneau, visible sur la route d’Argentenay, est en fait « une reconstruction du premier modèle de maison de la colonisation » qui date de seulement quelques années. Ailleurs, l’auteur ne manque pas de rappeler que la route du Mitan, située au centre de l’île, « permet de comprendre le relief légèrement bombé de l’île, offre des paysages qui n’ont sans doute pas beaucoup changé depuis l’époque du Régime français ». À elle seule, l’iconographie rendrait ce livre indispensable : on y voit une photographie de 1935 montrant le pont de l’île d’Orléans en construction, et plus loin une vue aérienne de l’île Madame, voisine de l’île d’Orléans, ou encore la mystérieuse plage aux Allemands, difficilement accessible par les voies terrestres. Certaines images montrent l’emplacement exact d’une inscription, d’une plaque ancienne apposée sur une pierre invisible de la route. Les différentes cartes aident à repérer avec précision les curiosités choisies au milieu d’endroits familiers.
Pierre Lahoud peut se vanter d’avoir signé LE livre par excellence pour qui veut apprécier les curiosités de l’île d’Orléans : ces sites préservés et ces plaques historiques qui font comprendre son unicité. Aux lieux de consommation (restaurants, cidreries, vignobles, cabanes à sucre) tout à fait légitimes que pointent les guides touristiques, il faut ajouter toutes les traces révélatrices de nos racines communes et de notre histoire nationale, et seul un guide rigoureux comme celui-ci peut nous les expliquer en des termes patrimoniaux. Le patrimoine n’est pas forcément beau, mais il demande à être présenté et mis en contexte ; on pourra ainsi témoigner de nos origines et donner du sens à des lieux chargés d’histoire.
COURTS-CIRCUITS
Depuis une trentaine d’années, l’auteur, physicien et philosophe des sciences écrit des ouvrages essentiellement autour de l’idée que la physique peut ouvrir des perspectives inédites à la pensée communément admise. C’est le même exercice de déboulonnement des idées reçues qu’il poursuit dans son dernier essai.
Déjà, dans le prologue, il annonce son programme : « Le parti pris de ce livre est […] d’associer des éléments trop souvent séparés dans les analyses : physique et philosophie, pensée et action, réalité et imagination […], infini mathématique et engagement existentiel, intelligence analytique et courage physique, [etc.] ». Tentons de donner une petite idée de ce feu d’artifice intellectuel.
En une dizaine de courts chapitres, Étienne Klein réhabilite le travail manuel trop souvent dévalorisé au regard du travail intellectuel, se demande si, en état d’apesanteur, on a toujours conscience de soi et si le hasard existe vraiment ou bien si « c’est Dieu qui se promène incognito », selon le mot d’Einstein. Ailleurs, il évoque le parcours sinueux et difficile des femmes dans le monde masculin des sciences dures ; il disserte avec la même érudition, et sans trop jargonner, sur le « mal nommé » principe d’incertitude d’Heisenberg, sur les énigmes que pose l’univers quantique ou encore sur la communication numérisée, qu’il qualifie de « nouvelle forme d’ivrognerie » pour le recours abusif et sans discernement qu’on en fait.
Au fil des pages, on croisera de grands penseurs, anciens comme modernes : Aristote, Platon, Schopenhauer ou Serres. On croisera des scientifiques tels que Galilée, Einstein, Heisenberg ou Niels Bohr. S’ajoutent à cette prestigieuse liste des personnalités moins connues, comme son contemporain Clément Rosset, philosophe du tragique, ou Jean Cavaillès, philosophe-mathématicien et par ailleurs grand résistant. Plus près de lui, il évoquera avec tendresse le souvenir de son frère Pascal, une sorte de « génie du travail manuel ».
De ce vagabondage entre des champs scientifiques et des concepts à première vue sans rapport entre eux, Klein tire la preuve de « l’inusable fécondité des mises en rapport, des confrontations pas nécessairement évidentes, comme si tout court-circuit était à la fois promoteur et produit du désir d’aller voir plus loin ou d’y regarder de plus près ». Il est vrai que ces rapprochements improbables ouvrent aux lecteurs des perspectives inédites et proposent des pistes parfois insolites pour interroger le monde qui nous entoure. De ce fait, Courts-circuits prouve une nouvelle fois qu’Étienne Klein compte parmi les meilleurs vulgarisateurs scientifiques de notre époque et est l’un des plus stimulants.
POUR L’HISTOIRE NATIONALE
Depuis la Révolution tranquille, l’enseignement de l’histoire nationale n’a cessé d’être sujet à controverses. Le dogmatisme conservateur, l’apologie patriotique, voire l’ethnocentrisme qui ont prévalu dans ce domaine jusqu’aux années 1960 ont visiblement laissé des stigmates.
Aussi, dans une société irrévocablement plurielle, est-ce possible d’actualiser l’histoire nationale, de lui redonner quelques lettres de noblesse et de l’intégrer avec profit à la formation scolaire ? C’est à cette vaste question que tente de répondre Gérard Bouchard, historien et sociologue bien connu dont les recherches portent notamment sur les mythes et les valeurs par lesquels les sociétés, en temps de crise, peuvent se redonner des fondements symboliques et des idéaux rassembleurs (Raison et déraison du mythe. Au cœur des imaginaires collectifs, 2014). À défaut de pouvoir ici rendre compte de l’ensemble des propositions, arguments et nuances du chercheur pour réhabiliter et réformer l’histoire nationale, nous en retiendrons deux exemples.
Bouchard propose notamment de concilier ce que l’on tend bien souvent à opposer, à savoir l’histoire nationale et le pluralisme. Pour lui, il s’agit d’activer certaines virtualités de l’histoire québécoise de façon à constituer ce qu’il appelle une « histoire intégrante », à « introduire la diversité dans le sujet de l’histoire nationale, sujet traditionnellement tenu pour homogène, qui tendait à exclure les minorités ». À cette fin, il recommande de « tabler sur des valeurs de portée universelle que tous les citoyens peuvent s’approprier » (la démocratie, l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice sociale, etc.) tout en s’assurant de les ancrer « dans la singularité du passé québécois » (les origines, les rébellions de 1837 et 1838, la survivance, etc.). Placée ainsi à l’enseigne de l’universel, l’histoire nationale serait appelée à redevenir un réservoir où puiser « des idéaux transposables que nous pourrions adopter et cultiver aujourd’hui comme héritage à enrichir ou comme matériau identitaire capable de nous inspirer et de nous élever ».
Comment maintenant enseigner cette convergence de l’universel et du singulier ? « L’histoire nationale doit parler au cœur autant qu’à la raison. » Bouchard plaide pour le retour du récit et de l’émotion dans l’enseignement de l’histoire, mais sans compromettre les règles d’objectivité, d’examen critique et d’impartialité. Partant du postulat que « les jeunes sont avides de récit », il induit que ces derniers seraient plus disposés à recevoir la matière, voire à la penser et à la retenir. Et il n’a sans doute pas tort si l’on en croit les neurosciences qui, depuis quelques décennies, reconnaissent la portée cognitive des affects et des émotions. Mais bien entendu, ce rééquilibrage entre l’histoire racontée et l’histoire expliquée, entre le narratif et la factualité, doit être tenu rigoureusement à l’écart de toute forme d’endoctrinement idéologique.
En somme, plutôt que la méfiance et la suspicion, l’histoire nationale devrait selon Bouchard éveiller « un attachement, un sentiment favorable à la société à laquelle on appartient ». Sous-tendue par une approche conciliatrice louable, son analyse est bien documentée (prenant notamment appui sur un corpus de 103 manuels d’histoire en usage au Québec de 1804 à 2018) et s’évertue à désamorcer les objections qu’une telle « sensibilisation par les valeurs » pourrait susciter. Les possibilités et les modalités d’application pratique en classe restent toutefois en grande partie à déterminer. Sans doute est-ce aux enseignants et aux didacticiens de se prononcer !
LE BONHEUR D’ÊTRE TRISTE
L’oxymore du titre est accrocheur. En effet, comment peut-on connaître le bonheur tout en étant triste ? L’autrice, formée à l’université Princeton et auteure de La force des discrets (quatre millions d’exemplaires vendus), fait la démonstration dans son dernier essai que la tristesse est le sel de la vie et que sans la première, cette dernière manquerait singulièrement de relief.
Surtout, la tristesse constituerait le patrimoine commun qui relie les humains entre eux.
En effet, selon ce que nous dit Susan Cain, personne ne peut échapper à la tristesse. Celle-ci fait partie intrinsèque de l’expérience humaine. L’auteure en donne pour preuve la quête incessante à laquelle s’adonnent les êtres humains pour retrouver une mythique unité perdue, comme Adam et Ève ne cessant de pleurer leur paradis perdu ou ceux qui cherchent toute leur vie l’âme sœur. Les spiritualités qui prêchent la dissolution du moi pour atteindre l’union universelle et les pulsions qui nous poussent à rechercher des attachements qui, du moins symboliquement, nous restituent la chaleur et la sécurité de la vie intra-utérine en sont d’autres illustrations.
Le sentiment d’incomplétude est donc le fonds de commerce de toute l’humanité. À ce sentiment universel s’ajoute la tristesse qu’entraînent les inévitables coups du sort parsemant une vie : les deuils, les séparations, les maladies, les pertes de toute nature, etc. Comme le chante Gilles Vigneault, « tout le monde [serait-il] malheureux tout le temps » ? Ce n’est pas le cas puisque cette tristesse déclenche la compassion, nous dit Susan Cain. La compassion unit les gens parce que « nous partageons une souffrance commune ».
À preuve, « ceux qui préfèrent les chansons gaies les écoutent en moyenne 175 fois, mais ceux qui préfèrent les chansons ‘douces amères’ les écoutent plus de 800 fois ». « Nous sommes nombreux à aimer les tragédies, les jours pluvieux, les films larmoyants […] Ce que nous aimons ce sont les choses tristes et belles. » Susan Cain nous invite donc à embrasser cette tristesse parce que celle-ci est la source de toute créativité. « Très peu de gens grandissent grâce à la réussite. Les gens grandissent grâce à l’échec. Ils grandissent grâce à l’adversité. Ils grandissent grâce à la souffrance. »
À la fois livre de réflexion sur l’importance de la tristesse dans toute expression culturelle et livre de croissance personnelle fournissant des moyens pour accueillir cette tristesse, Le bonheur d’être triste est également un récit de vie. En effet, l’auteure puise abondamment dans ses expériences personnelles, en particulier les relations qu’elle entretenait avec sa mère, pour étayer son propos. Sans être un livre majeur, Le bonheur d’être triste de Susan Cain est d’une lecture intéressante, voire stimulante, et pas triste du tout.
CONSTRUIRE L’ÉCONOMIE POSTCAPITALISTE
Les travaux visant à élaborer des options concrètes de remplacement du capitalisme sont choses plutôt rares. Voici réunis dans un livre quelques modèles prospectifs, dont la présentation succincte puise à la fois aux écrits de leurs auteurs et aux critiques qui leur ont été adressées.
L’échec généralisé de toutes les tentatives d’instaurer le socialisme au XXe siècle a plombé le mouvement pour sortir du capitalisme. Aujourd’hui, l’idée selon laquelle le capitalisme représente le stade ultime de l’évolution des sociétés connaît un étonnant succès. Dans les lieux de pouvoir en particulier, on ne décèle aucun appétit pour la mise au jour de voies de dépassement de ce système, qui perpétue les inégalités et mène à l’épuisement des ressources. La recherche dans le domaine économique existe pourtant. Les auteurs de Construire l’économie postcapitaliste présentent dans leur livre quelques travaux visant à imaginer les contours de ce que pourrait être un système économique plus désirable.
La notion d’économie planifiée n’a pas la cote parce qu’on l’associe habituellement au système soviétique. Récemment, une ministre du gouvernement de la Coalition avenir Québec utilisait l’expression, convaincue de pouvoir discréditer sans appel une idée de l’opposition en affirmant simplement que cela relevait de l’économie planifiée. Or, les déboires du système soviétique ne tiennent peut-être pas surtout au fait de la planification, mais plutôt au déficit de démocratie et aux orientations de ladite planification. Aussi, plusieurs auteurs cherchent à déterminer les moyens par lesquels assurer une planification démocratique de l’économie.
Parmi les modèles recensés dans Construire l’économie postcapitaliste, on trouve celui de Pat Devine et Fikret Adaman, appelé coordination négociée, lequel propose de « redonner le pouvoir décisionnel aux personnes proportionnellement concernées par les décisions ». De même, le modèle dit de l’économie participaliste, des auteurs Michael Albert et Robin Hahnel, préconise une socialisation des moyens de production et un partage du pouvoir, par exemple au sein de conseils composés de travailleuses et travailleurs sur les lieux de travail. Des critiques de ces propositions ont entre autres avancé que la planification démocratique de l’économie pourrait exiger un grand nombre de réunions et des calculs complexes pour déterminer une allocation des ressources à la fois équitable et réaliste. En partie pour répondre à ces critiques, le modèle de Paul Cockshott et Allin Cottrell mise sur les immenses capacités de calcul des ordinateurs, qui rendent désormais possibles des opérations de planification impensables il y a quelques années à peine. On trouve aussi dans l’ouvrage des travaux davantage reliés à des expériences vécues. Une proposition de planification démocratique inspirée des mouvements sociaux et politiques émancipatoires en action au Venezuela, dans la première moitié des années 2000, est attribuée aux auteurs Marta Harnecker, Michael Lebowitz et Victor Álvarez. Les auteurs présentés n’ont pas tous imaginé le fonctionnement d’une économie dans son ensemble. Ainsi, deux autrices féministes, Katherine Gibson et Julie Graham, ne proposent pas de modèle global pour remplacer le capitalisme, mais adoptent « une démarche expérimentale de recherche sur les expériences collectives susceptibles de contribuer à la construction d’un futur postcapitaliste ».
Malgré l’effort de vulgarisation des auteurs, les textes de Construire l’économie postcapitaliste ne sont pas particulièrement faciles à lire. Ils devraient tout de même attirer l’attention des personnes qui s’intéressent à l’économie… et qui ne croient pas à la fin de l’histoire.
QUELQUES MOIS DANS MA VIE
Pour trouver un intérêt particulier à ce livre, il faut vraiment être un fan fini de l’écrivain français. Et encore.
Michel Houellebecq a le don de se mettre les pieds dans les plats. Son esprit met du temps à flairer le danger, car il « ne fonctionne pas très vite », reconnaît l’auteur et pourtant il se croit malin « malgré les anxiolytiques et le vin ».
Que s’est-il passé pour qu’un tel pamphlet voie le jour ? Au moins deux choses : en premier lieu, un entretien avec Michel Onfray pour la revue Front populaire, à la suite duquel on l’accusera de nourrir la haine envers les musulmans. Houellebecq nous glisse des extraits de cet entretien et il est vrai que ses propos sont parfois orduriers. Il règle toutefois rapidement ce dossier et présente ses excuses. En deuxième lieu, sa participation à un film porno, qui occupera l’essentiel de ce pamphlet. Contexte : lui et sa femme devaient se rendre au Maroc pour rencontrer des prostituées (!) et, comme il craignait de se faire enlever là-bas par des islamistes, un artiste néerlandais, Stefan Ruitenbeek, lui propose de venir plutôt à Amsterdam. Houellebecq le désignera ensuite dans son récit comme le Cafard. Il s’agissait de tourner avec une dénommée Jini van Rooijen pour son compte OnlyFans. Elle admire l’œuvre de Houellebecq. Elle sera désignée ensuite comme la Truie. On voit la piètre estime que l’auteur d’Anéantir et de La carte et le territoire nourrit envers ces personnes. Le contrat pour ce tournage (il occupe trois pages dans le livre) ne lui donnait aucun droit de prévisualisation. L’épouse de l’écrivain, Lysis, était censée voir à ce que tout se déroule « correctement ». Bref, c’était assez risqué, de l’aveu même de l’écrivain qui a dit ne pas s’être suffisamment méfié – il avait bu –, d’où le procès qu’il intente et qu’il raconte dans ce livre.
Toute cette histoire est plutôt fort ennuyeuse, reconnaissons-le, et Houellebecq aussi le reconnaît. Les quelques considérations littéraires pointant ici et là ne transcendent pas la vacuité de l’entreprise. C’est un livre de règlement de compte nourri par un sentiment de haine. Houellebecq avouera qu’il s’agit d’une perte de temps, « mais on ne choisit pas toujours les circonstances ni les sujets, l’écriture est parfois bien obligée de suivre ».
Des amis de Houellebecq lui ont rappelé que ses lecteurs n’attacheraient aucune importance à cette histoire. Il en est conscient.
Passons outre et attendons le prochain opus de l’écrivain qui a le talent de gratter nos bobos comme pas un. Après tout, « la littérature, d’après ses amis Gérard Depardieu et Bernard-Henri Lévy, finit toujours par gagner ».
LA FAMILLE FERMANIAN
On pourrait croire que ce livre ne raconte qu’un épisode d’histoire régionale, destiné aux gens des Laurentides ou aux cinéphiles aguerris ; mais il faudrait plutôt voir dans cette salle – emblématique et indépendante – un exemple de ce que pouvait être, au XXe siècle, un espace culturel destiné aux films populaires et de répertoire.
Arménien d’origine, Philip Fermanian entreprend son parcours en Turquie, avant même le génocide arménien ; il transita successivement par la France, l’Angleterre, Terre-Neuve, puis enfin Montréal, où une partie de sa famille s’est établie il y a un siècle. En certains points, son itinéraire personnel résonnerait presque avec la trame du livre – et du long métrage – América, América (1963), un classique d’Élia Kazan, pour la quête utopique d’un idéal situé au bout du monde. Dès les années 1930, Phil pratiqua plusieurs métiers : projectionniste ambulant dans les villages des Laurentides, opérateur d’un réseau de juke-box, mais aussi marchand de fruits et légumes dans la PME familiale : la Karibian Fruit. Avant de devenir propriétaire de salle, Phil Fermanian épousa la jolie Aurore Martel, qui avait vingt ans de moins que lui. Ensemble, ils pratiquèrent divers métiers et eurent par ailleurs deux enfants ; l’un d’entre eux, Tom, assure désormais la relève de l’entreprise familiale.
L’histoire du cinéma Pine débute en 1948 à Sainte-Adèle, au nord de Laval. C’est l’époque où les noms des cinémas, tout comme les programmes et les films projetés au Québec, étaient uniquement en anglais (et sans sous-titres français pour ce qui est des films). Le cinéma Pine ne faisait pas exception. Mais l’intérêt pour ce secteur lucratif avait commencé treize ans plus tôt : « En 1935, Phil, qui ne manque jamais une occasion d’affaires, s’intéresse de près à un phénomène nouveau : le cinéma ‘d’actualité’ ».
Dans un style vivant et optimiste, Stéphane Desjardins ne se contente pas de raconter l’émergence d’une salle mythique ; il transforme quelquefois en de petits morceaux de littérature des événements tout simples, comme cette anecdote imagée, à propos de la salle de cinéma des Fermanian : « Il y a un quart de siècle, une chauve-souris s’invite par la porte principale, grande ouverte par une chaude nuit d’été ». En outre, l’iconographie – exclusive – réunie pour ce livre permet de voir un programme du cinéma Pine en 1953 et de nombreuses affiches d’époque. On s’étonne toutefois de constater dans cette étude émanant pourtant de presses universitaires que beaucoup d’affirmations et d’éléments de contextualisation ne sont pas systématiquement appuyés par des notes en fin de volume (pourtant nombreuses) ou par des références bibliographiques, comme pour ce constat démographique, sans appel de note : « La mortalité infantile, à Montréal, est deux fois plus élevée chez les francophones que les anglophones ». Parmi les annexes, on trouve plusieurs tableaux de statistiques, dont la liste des longs métrages québécois les plus lucratifs de l’histoire, à laquelle il ne manquerait que le célèbre mélodrame La petite Aurore, l’enfant-martyre (1952), souvent projeté dans les anciennes salles paroissiales et pas toujours comptabilisé dans les relevés statistiques. La famille Fermanian. L’histoire du cinéma Pine de Sainte-Adèle nous apprend beaucoup sur l’industrie des salles de cinéma au Québec durant les années 1950 ; on y traite en filigrane de l’immigration – et de l’intégration des immigrants – au Québec, et aussi de l’histoire populaire de Montréal et des Laurentides.
CURIOSITÉS DE LA CÔTE-DE-BEAUPRÉ
Sillonnée par l’une des plus anciennes routes encore existantes de tout notre continent, la « Coste de Beaux-Prés » (comme on l’écrivait du temps de la Nouvelle-France) demeure le point de départ de 170 familles souches du Québec.
Mais les promeneurs et les cyclistes les plus performants ne soupçonnent pas toujours le nombre infini de lieux de mémoire qu’ils contournent sans les identifier comme tels ou sans pouvoir les (re)connaître. Voilà un guide indispensable qui permet de les localiser et de les apprécier.
La Côte-de-Beaupré ne fait pas partie de la ville de Québec, et ce n’est pas encore Charlevoix ; ce guide illustré reconfirme qu’il y a beaucoup plus à visiter que la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré (au demeurant grandiose) et le site d’observation faunique du cap Tourmente. Le quinzième titre de la collection « Curiosités » révèle une centaine de lieux d’intérêt, à partir de Boischatel par la vallée de la rivière Montmorency, sans se limiter uniquement à la célèbre chute et à sa voisine, la cascade de la Dame blanche. En amont, il existe une grotte étroite sous la rivière Ferrée, mais aussi des phénomènes géologiques comme les roches plates et, plus loin, les résurgences (lorsqu’une rivière souterraine réapparaît ; celle-ci resurgit). Les randonneurs et les familles découvriront des lieux pittoresques et méconnus, auxquels Frances Caissie et Pierre Lahoud apportent une contextualisation indispensable. Ainsi, dans la municipalité de L’Ange-Gardien, aux limites de Château-Richer, l’automobiliste ne peut pas rater le majestueux château Richard, datant de 1906 et décrit comme une « magnifique demeure victorienne qui se détache du paysage » (ne se visite pas) ; le commentaire raconte comment le premier propriétaire a choisi ce style et cet emplacement surplombant la côte. Une autre notice documente les nombreux caveaux à légumes aperçus le long de l’avenue Royale.
Signe de son exhaustivité, Curiosités de la Côte-de-Beaupré est le seul livre qui mentionne l’emplacement exact de la maison de campagne de Saint-Tite-des-Caps utilisée dans le film d’Hitchcock, La loi du silence (I Confess, 1953), pour abriter la rencontre en tête-à-tête entre le futur prêtre et la femme mariée. Toutefois, une petite erreur factuelle subsiste pour un détail : le tournage des intérieurs des autres séquences a eu lieu à l’église Saint-Zéphirin-de-Stadacona, et non à l’église Saint-Charles (comme mentionné à la page 192).
L’avantage de la collection « Curiosités » publiée par GID est de retracer l’historique de lieux insoupçonnés ou inexpliqués qui possèdent une indéniable valeur patrimoniale ; le patrimoine n’est pas toujours apparent et exige souvent une contextualisation, ce que font les plaques commémoratives ou, idéalement, les leçons d’histoire contenues dans les précieux guides de GID. La qualité des cartes régionales (essentielles) et la pertinence des photographies (anciennes et récentes) permettent de planifier une visite patrimoniale avec précision, beaucoup mieux qu’en consultant les brochures gouvernementales (trop brèves et trop axées sur les loisirs) et les sites Internet (souvent superficiels). Compte tenu du nombre relativement restreint d’ouvrages consacrés spécifiquement à cette région emblématique, on rêverait d’une réédition en format géant, avec cinq pages de contextualisation par site et des illustrations en couleurs.
ÉLOGE DES VERTUS MINUSCULES
Longtemps, l’autrice a traîné comme un boulet la mention « assez bien » reçue quand elle passa son bac. Perçue comme la proclamation d’une médiocrité intrinsèque, la jeune fille, qui rêvait de gloire et de reconnaissance littéraire, n’aura de cesse, sa vie professionnelle durant, de vouloir se débarrasser de cette étiquette « infamante ». Son essai résume le parcours qu’elle a suivi pour s’en affranchir.
Sa méthode ? Se lancer à corps perdu dans la fréquentation d’œuvres et d’auteurs réputés difficiles. À ses yeux, cela démontrait qu’elle était capable de saisir les théories les plus absconses et la dédouanait d’un sentiment ressenti comme une infériorité intellectuelle. « L’abstraction était pour moi synonyme de valeur. » « Pas étonnant que je me sois infligé des sujets ésotériques et me sois enchaînée à des groupes de lecture hermétiques », confesse-t‑elle.
Son regard hypercritique sur elle-même se répercutait sur le jugement qu’elle portait sur autrui : « Le mépris envers quelqu’un qu’on ne juge pas assez bon, s’ancre dans la relation qu’on entretient avec soi-même, avec l’idée de réputation. Sans doute ne jugerais-je pas le manque de réussite de quelqu’un d’autre si je n’étais moi-même angoissée par ma propre réussite ».
Alors, comment s’y prendre pour cerner nos semblables indépendamment de leurs réalisations, les plus glorieuses comme les plus discrètes ? En s’appuyant sur un impressionnant corpus philosophique et littéraire où figurent, entre autres, Aristote, Marc-Aurèle, Montaigne, Schopenhauer, Nietzsche, Wittgenstein et, du côté des romanciers, Tolstoï, Virginia Wolf, George Eliot, Orwell, Tchekov et Gontcharov, Marina van Zuylan en tire les arguments qui la réconcilient avec le concept de vie « assez bonne », de juste milieu.
Elle ajoutera : « J’éprouve une [grande] reconnaissance envers les poètes, les romanciers ou les dramaturges qui ont célébré une autre sorte de présence [au monde] en mode mineur », la réconciliant ici avec elle-même. « La vie assez bonne, ajoute-t‑elle, n’est pas tant l’affaire d’ambitions déchues ou de compromis rebutants qu’une volonté de regarder les autres différemment, de prêter d’avantage attention à ce que cachent les réussites fracassantes. »
La philosophie de ses mentors l’a également réconciliée avec le « assez bien » du baccalauréat. Leur enseignement qui propose de troquer l’idéal contre le réel l’a « soulagée de [son] penchant pour la pompeuse excellence ». Au bout du compte, Éloge des vertus minuscules se présente comme une réflexion philosophique libératrice sur la notion de médiocrité vue comme un juste milieu et comme une sagesse populaire dont la finalité est de reconnaître que le processus compte plus que le résultat et le chemin, plus que la destination.
L’USURE D’UN MONDE
L’auteur a eu cette inspiration : fouler les pas de l’écrivain suisse Nicolas Bouvier (1929-1998) qui, au début des années 1950, est parti dans un long voyage en auto qui l’a amené notamment en Iran, expédition qu’il relatera dans son livre L’usage du monde (1963).
Malgré un contexte très différent comparativement à celui de l’époque, aujourd’hui beaucoup plus dangereux pour la sécurité des voyageurs, Désérable se met en tête de reprendre le parcours effectué par Bouvier, mais uniquement en Iran.
En Iran ? Oui, malgré les avertissements des autorités françaises, de ses amis, qui tentent de le décourager de se lancer dans cette périlleuse aventure : car on a bel et bien affaire dans ce pays à un régime corrompu, avant tout soucieux de sa survie, implacable contre toute forme d’opposition, locale ou étrangère. Les accusations, fantoches, peuvent tomber arbitrairement sur tout citoyen ou voyageur soupçonné d’antipathie envers les dirigeants actuels. La suite : la prison, et de gros efforts à entreprendre pour les défenseurs des droits de la personne ou les diplomates qui peuvent bien peu pour leurs ressortissants…
Chemin faisant, partout dans le pays, Désérable, qui parle à tout le monde qu’il croise sur son chemin, fait face au premier chef à la surprise des Iraniens. Pourquoi venir chez nous, demandaient-ils, gentiment mais incrédules ? « Pourquoi l’Iran ? Pourquoi ce pays semi-désertique avec un gouvernement de semi-demeurés, où la justice était celle de l’État islamique, les libertés civiles celles de la Corée du Nord, l’économie celle du Venezuela et le système de santé celui du Bangladesh ? »
À son terme, quel bilan tirer de cette magnifique expédition, si singulière, si intense, si unique ? Selon le jeune et courageux écrivain, ce régime n’est rien de moins que honni par la population. « [C]’était ce qu’il faut bien appeler de la haine, une haine pure et dure, inextinguible », écrit-il.
Mais si le peuple iranien explose périodiquement sous le coup de cette haine – comme récemment avec la mort, en 2022, de la jeune Mahsa Amini (tuée par les milices du régime pour ne pas avoir porté le voile) –, il est, toutefois, paralysé par la peur, constate Désérable.
Sur un ton plutôt humoristique, mais sans compromettre la profondeur du propos, le récit a cette grande qualité : à sa lecture, par son écriture fine, précise, fluide, on sent bien les scènes décrites. Comme si on était devenu le compagnon de voyage de l’auteur.
François-Henri Désérable a mis haut la barre. Pour quiconque voudra, comme lui, reprendre le voyage d’un écrivain et décrire, avec autant de justesse, la beauté d’un pays, l’âme d’un peuple.
PAYS DE SANG
Près de 400 millions d’armes à feu sont en circulation libre aux États-Unis selon une estimation récente, soit plus d’une arme pour chaque homme, femme et enfant. Chaque année, environ 40 000 États-Uniens meurent de blessures par balle, que ce soit lors d’opérations policières, de tueries de masse ou de suicide.
Tels sont les faits. Mais, comme le souligne Paul Auster dans un essai au titre on ne peut plus explicite, Pays de sang, ils n’expliquent pas pourquoi la culture des armes à feu est aussi répandue aux États-Unis, même si la possession d’arme est inscrite comme un droit sacro-saint dans la Constitution du pays. Nous avons encore toutes fraîches dans la mémoire les images rediffusées en boucle par les médias télévisés lors des fusillades survenues à Columbine, à San Bernardino, à Uvalde, ou lorsqu’une foule a pris d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021, prête à lyncher le vice-président et les leaders du Parti démocrate au Congrès. Nombreux parmi les manifestants étaient armés, et c’est un véritable miracle que le dénouement ne se soit pas conclu dans un bain de sang. Pas plus alors qu’après des événements survenus dans nombre d’écoles ou dans d’autres lieux publics au cours des dernières années, le droit de détenir et de porter une arme à feu n’a été véritablement remis en cause, même si de nombreuses voix s’élèvent pour en restreindre la possession et l’utilisation.
Qu’est-ce qui explique une telle violence dans un pays soi-disant civilisé ? Dans son essai, qui s’accompagne de photographies en noir et blanc prises par Spencer Ostrander sur les sites d’une trentaine de tueries survenues plus ou moins récemment aux États-Unis, Paul Auster essaie de percer le silence qui émane de chacune de ces photos, d’élucider un problème qui, à ce jour, a causé la mort de davantage de ses concitoyens que les deux dernières guerres mondiales réunies. Plus d’un million et demi de personnes seraient mortes par arme à feu sur le territoire des États-Unis. Le constat qu’il dresse est sans équivoque : « Ce pays, né dans la violence, est aussi né avec un passé, cent quatre-vingts ans de préhistoire vécue dans un état de guerre perpétuelle avec les habitants des terres que nous nous sommes appropriées et de perpétuels actes d’oppression envers notre minorité asservie – les deux péchés qui nous ont suivis à travers la Révolution, sans que nous ne nous soyons rachetés depuis ».
L’essai se divise en cinq parties. Chacune, sous un angle différent, cherche à expliquer les motivations à la source de tant de violence qui, faut-il le rappeler, ne cesse de donner lieu à des tueries aussi gratuites que nombreuses, dans des lieux aussi divers que des écoles, des églises, des cinémas, des supermarchés. Paul Auster évite le piège de jeter le blâme sur les auteurs de ces actes de folie pour s’attarder plutôt aux causes qui en sont le déclencheur. Comme près de 60 % des Américains, il n’a jamais possédé d’arme, mais il relate comment tous les enfants de sa génération rêvaient d’être de vrais cow-boys, avec un six-coups, voire deux, à la hanche. Les ruelles de mon enfance, relate-t-il, comme sans doute celles d’aujourd’hui, résonnaient bruyamment de « Pow Pow, t’es mort ! ». Ces jeux trouvaient leur source et leur valorisation dans la plupart des séries télévisées, et il n’est dès lors pas étonnant que tous les petits garçons rêvaient de posséder une arme. Pour simpliste que puisse paraître cette explication, en comparaison de la citation qui précède – sur l’appropriation du territoire et l’asservissement des Noirs américains –, elle n’en éclaire pas moins la fascination des jeunes garçons pour les armes à feu (ce qui n’exclut pas le désir de beaucoup de femmes de posséder une arme pour des raisons de sécurité). Dans le premier chapitre, Paul Auster rappelle comment sa grand-mère maternelle a été amenée à tuer son grand-père, meurtre dont elle a été acquittée, après qu’il l’eut quittée pour une autre femme.
Au-delà de cette anecdote, l’auteur du Voyage d’Anna Blume essaie de comprendre pourquoi les États-Unis se révèlent être le pays assurément le plus violent du monde occidental. Il revisite ses souvenirs personnels, s’interroge sur le comportement de gens qu’il a pu croiser comme sur les statistiques qui, d’un drame à l’autre, ne font que confirmer que les États-Unis détiennent la palme d’or des tueries de masse. Les photographies prises par Spencer Ostrander sur ces scènes, après que les massacres eurent lieu, ont sans doute contribué à attiser son questionnement. Sous chacune des photographies reproduites dans cet ouvrage, dont émanent une tranquillité et un silence troublants, les notes contrastent avec l’apparente banalité des lieux photographiés. Ce pourrait tout aussi bien être dans votre quartier, l’école que fréquentent vos enfants, le centre commercial où vous faites vos emplettes, la salle où vous projetez d’aller voir une pièce de théâtre, mais la note succincte vient rompre le charme :
Covina, Californie, 24 décembre 2008. 10 morts ; 3 blessés (2 par balle) ;
Première église baptiste. Sutherland Springs, Texas. 5 novembre 2017. 26 morts ; 22 blessés.Et ainsi, sous les photos, le triste et répétitif bilan de chacune des tueries. Froide compilation exempte de tout état d’âme.
La violence par arme à feu a connu une forte croissance au cours de la pandémie. Nos voisins cherchent de plus en plus à se mettre à l’abri, à sécuriser leur maison, à se protéger les uns des autres. L’avenir appartient-il à ceux qui se barricadent chez eux ou à ceux qui s’opposent à autant de violence ? demande Paul Auster au terme de son essai. Pays de sang apporte moins une réponse qu’il n’invite les États-Uniens à s’interroger à leur tour sur cette question.
LA GRANDE CONFRONTATION
En lisant cet ouvrage, les non-initiés au conflit ukraino-russe n’en reviendront tout simplement pas. Ils apprendront que l’ingérence de Poutine et de ses sbires s’étend aussi loin que le Brexit, la mise en dépendance de l’Allemagne vis-à-vis le gaz naturel ou l’aide apportée à Trump pour le sortir de la faillite et même l’appuyer afin qu’il devienne président des États-Unis. Et ici, il ne s’agit que d’un aperçu.
Raphaël Glucksmann, député européen et président de la Commission . . .
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L’AMOUR DE LA LECTURE
Court essai, brillant et caracolant sur les jouissances de la lecture, et aussi sur celles de l’écriture. Il s’inscrit dans la lignée de ceux qui en ont fait l’éloge. On rencontre ainsi Montaigne – ou plutôt on part de lui –, Stendhal, Proust, Valery Larbaud, Rilke, Blanchot ou Barthes.
On imagine Frédéric Ferney plongé dans les livres et enivré de littérature. Sa biographie nous dit qu’il est agrégé de lettres, chroniqueur de radio, de revues et de journaux ; on découvre sans surprise qu’il a été dans le jury du Prix . . .
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LE LIVRE DE DANIEL
L’auteur raconte la mort tragique de son oncle maternel, Daniel Maroy, assassiné en mars 2014 dans sa ferme du Hainaut, en Belgique. Les auteurs du crime appartenaient à une petite bande de jeunes loubards appâtés par l’argent facile. Dans le patelin d’Estaimpuis, tout le monde savait que le vieil ermite de 84 ans ne faisait pas confiance aux banques et gardait son argent à portée de main.
Vivant en marge de la société et peu soucieux de son apparence, « oncle Daniel […] avait beaucoup [de surnoms]. Le crasseux. Le clochard. L’ermite. Et donc aussi J . . .
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