Écoutez ici ces trois poèmes lus par Daniel Luttringer.
imagine
la mémoire des grandes fenêtres
enfin visible
imagine que pour être lu
le lointain se rapproche
ne réchauffe pas les ombres
d’une ancienne conversation
mais garde le lieu ouvert
remonte dans les mots
retrouve la rivière et le pont
reflets multipliés du monde
le temps n’a de nom
qu’un bercement infini d’étoiles
un verbe oublié et imprévisible
la lumière va d’un ciel à l’autre
tout est un miroir éclaté
on l’ignore
mais on passe sa vie
à se rassembler
*
quand bien même je retournerais
dans la cour d’école
avec le cœur de Mathilde
qui cogne dans le mien
quand bien même je passerais la journée
à être le bon élève des autres
quand bien même je reviendrais chez moi
pour la soupe des heures
et l’alphabet de ma mère
quand bien même à la fin des classes
au moment où nous appellent les restes du soleil
je voudrais demeurer encore un peu
derrière mon pupitre
derrière mes paupières
la nuit me tomberait des mains
plus ronde que le souvenir
*
ce matin un arbre
est tombé dans son ombre
moi aussi un jour
la mort va m’abattre
parfois j’entends
ses coups de hache
que les fleurs boivent sans rien dire
peut-être qu’elle se bâtit
une maison avec mes os
mais qui voudra vivre en moi