Le pays gaúcho, situé dans le sud du Brésil, est une région un peu particulière. D’abord par son climat, plus près du climat européen que de celui des tropiques. Nous y retrouvons les quatre saisons, inversées par rapport à l’hémisphère Nord, avec un été chaud et un hiver froid et pluvieux. Certaines régions en montagne connaissent même des chutes de neige. Les principales fêtes européennes y sont célébrées suivant le même calendrier et très souvent la même tradition. Compte tenu de l’inversion des saisons, Pâques est en automne, la Saint-Jean en hiver et Noël en plein cœur de l’été. Le Sud est divisé en cinq grandes régions : Les missions, anciennes terres des jésuites, La montagne (Serra gaúcha), Le littoral, région de plages, La plaine (pampa) et La région métropolitaine avec sa capitale, Porto Alegre.
Les habitants de ces régions sont appelés Gaúchos. Anciennement associé aux luttes frontalières, le Gaúcho était un homme de la plaine, courageux et batailleur, qui considérait le cheval comme son compagnon le plus cher. Il avait pour habitude de boire en groupe le mate, boisson chaude et amère, appelé au sud chimarrão. De nos jours, les Gaúchos sont réputés dans le reste du Brésil pour être des gens d’honneur. Grégaire, hospitalier et travailleur, le Gaúcho a conservé sa passion pour les chevaux et pour le chimarrão1.
La tradition légendaire du sud du Brésil offre un mélange issu du folklore amérindien, du folklore européen, principalement portugais, et du folklore afro-gaúcho, c’est-à-dire celui des esclaves africains2. Nous avons sélectionné ici un ensemble de récits qui nous a semblé représentatif de la tradition gaúcha. Nous avons tenté de rendre compte à la fois du passé, par les légendes missionnaires et indigènes, et par les récits d’esclaves, puis du présent, en présentant des croyances encore bien actuelles qui mettent en scène le diable, les sorcières ou le loup-garou.
Légendes missionnaires et légendes indigènes
Les légendes indigènes proprement dites sont celles où l’on retrouve l’Indien sans la présence de l’homme blanc ou du missionnaire. La plupart de ces récits font partie des légendes géographiques et étiologiques expliquant un nom de lieu, l’origine d’une plante ou un phénomène quelconque. Des nombreuses légendes de ce groupe, les plus connues encore aujourd’hui sont celles de la Boitatá, gigantesque serpent lumineux, proche parent de nos feux follets, âmes en peine qui hantaient les cimetières et les marécages du Québec, et du Jaguarão, monstre marin du Rio do Pampa qui ne mange que les poumons de ses victimes.
Les légendes missionnaires sont des témoignages de la présence des jésuites dans le Rio Grande do Sul et d’une période historiquement agitée. Elles mettent en scène des pères jésuites, des Indiens convertis et aussi leurs ennemis espagnols et portugais souvent présentés comme des mercenaires et des chasseurs d’esclaves.
Entre 1682 et 1701, des jésuites espagnols fondèrent sept missions au Rio Grande do Sul3. En 1750, lors du traité de Madrid, l’Espagne céda ces sept missions au Portugal. Les pères jésuites, alors bien installés dans la région, n’acceptèrent pas cette décision. Les Indiens missionnaires se révoltèrent. C’est ce que l’on a nommé la guerre des missions. En 1756, après un massacre terrible opposant les forces espagnoles et portugaises d’un côté, et les Indiens missionnaires de l’autre, bataille qui tua plus de 1 500 Indiens, les missionnaires vaincus quittèrent leurs missions, incendièrent leurs villages et leurs églises, et emportèrent une multitude d’objets sacrés : le trésor des jésuites.
Lorsqu’ils abandonnèrent leurs missions, les pères jésuites furent poursuivis par des mercenaires chercheurs d’or. Plusieurs jésuites choisirent alors de se débarrasser de leurs précieux objets plutôt que de les abandonner à des mains impies. Certains trésors furent enterrés, d’autres furent placés dans des tours construites à cet effet, ou cachés dans des souterrains, gardés par des fantômes ou des monstres ; d’autres trésors furent jetés dans des lacs profonds. C’est le cas de la Lagoa vermelha « le lac rouge », où les jésuites, à l’issue d’une bataille sanglante, jetèrent le trésor convoité. Ce lac, que l’on dit sans fond, serait demeuré rouge du sang des morts. Encore aujourd’hui, il semblerait que personne n’ose s’y baigner ni y pêcher.
Un des personnages les plus marquants de ce cycle de légendes est São Sepé. Indien valeureux, sous la protection de saint Michel, Sepé lutta jusqu’à la mort contre l’invasion des sept missions répétant : « Essa terra é nossa ! Nós recebemos de Deus e de São Miguel » (Cette terre est à nous ! nous l’avons reçu de Dieu et de saint Michel).
Sepé était né avec au front une marque en forme de lune ; par les nuits obscures, durant les combats, la lune de Sepé guidait les soldats missionnaires. On dit que lorsqu’il mourut, Dieu retira la lune de son front et la plaça dans le ciel de la pampa. C’est aujourd’hui la Croix du Sud (Cruzeiro do Sul), la constellation de São Sepé, qui sert de guide à tous les Gaúchos.
De même, la Rivière des larmes (O Rio das lágrimas), près de la ville de Bagé, doit son nom à l’Indien Sepé. Pressentant la défaite et la perte de sa terre tant chérie, Sepé pleura, et de ses larmes naquit une rivière : « O Rio das Lágrimas que eu chorei. Rio das minhas lágrimas » (La rivière des larmes que j’ai pleurées. Rivière de mes larmes).
Les légendes d’esclaves
Les légendes d’esclaves sont nombreuses dans le sud du Brésil. Troisième groupe fondateur du sud du pays, après les Indiens et les Portugais, les esclaves4, originaires principalement de la Grande Guinée, de l’Angola et du Congo, furent associés aux principales activités économiques de la région. Leurs récits rendent compte des mauvais traitements faits aux leurs et proposent très souvent un dénouement miraculeux, sorte de justice divine, réhabilitant l’esclave comme être humain et fils de Dieu. La légende du « Negrinho do Pastoreio » (Le petit gardien de bétail), par exemple, raconte la résurrection miraculeuse d’un jeune esclave laissé pour mort par son maître dans une fourmilière. Santa Josefa, jeune esclave très belle de la région de Cachoira do Sul, fut assassinée par son patron pour avoir refusé ses avances. Quelques jours après son enterrement, on vit sortir du sang de la sépulture rustique de Josefa. Averti du miracle par les autres esclaves, le patron repentant fit construire une petite chapelle à la mémoire de la jeune fille vertueuse.
Soumis à des conditions de vie inhumaines, plusieurs esclaves s’évadaient. Ils étaient alors poursuivis et leurs têtes mises à prix. D’autres choisissaient l’ultime fuite, c’est-à-dire le suicide. Le lac Noir (Lagoa Negra) de la ville d’Osório est ainsi hanté par le fantôme d’un jeune noir qui mit fin à son martyre en se pendant à un arbre près de la rive. Sa lugubre silhouette apparaîtrait encore certaines nuits, balancée par le vent.
Bouc émissaire par excellence, l’esclave était accusé de tous les crimes. Ainsi, lors de la construction de l’église Nossa Senhora das Dores (Notre Dame des Douleurs) de Porto Alegre, une pierre précieuse de la statue de la Vierge disparut : un prêtre accusa du vol un des esclaves maçon. Il fut condamné à la pendaison ; avant de mourir, il s’écria : « Je vais mourir parce que je suis esclave, mais je vais mourir innocent, la preuve de mon innocence est que ces tours ne seront jamais terminées !5 » Après sa mort, la construction de l’église ralentit au point où les tours demeurèrent inachevées. Le prêtre accusateur, pris de remords, avoua son crime. Il avait lui-même volé la pierre précieuse pour l’offrir à l’une de ses maîtresses !
Présence du diable
Règle générale, le Gaúcho n’aime pas prononcer le mot diable parce qu’il croit que si l’on répète le nom du diable plusieurs fois, celui-ci apparaîtra durant la nuit, frappant du marteau. Pour contrer cela, on a l’habitude d’utiliser d’autres dénominations comme tinhoso (teigneux), vermelhiho (petit rouge), demônio (démon), etc., ou encore quelques déformations comme : dianho ou diacho. Plusieurs proverbes et expressions populaires font également référence au diable : « Avec une femme à moustache, même le diable ne peut pas », « Quand le diable ne peut venir, il envoie un parent », « Dieu existe pour me donner ce que le diable m’a enlevé », ou encore : « Quand on est en enfer, il ne coûte rien d’embrasser le diable ».
La route du diable
Certaines routes ou tronçons de routes appartiendraient au diable, tellement y sont fréquentes les morts accidentelles. À Soledade, entre autres, on raconte que, par une nuit froide et brumeuse, est arrivé un autobus presque vide. Sur la banquette avant, deux hommes discutaient des nombreuses morts accidentelles survenues sur l’autoroute menant de Soledade à Passo Fundo. L’un d’eux signala que les accidents allaient désormais diminuer, car la police fédérale allait, sous peu, installer un poste de surveillance à la sortie de la ville. Sur la banquette arrière, un jeune métis, cheveux crépus et dents très blanches, s’amusait beaucoup de la conversation des deux hommes. Peu après, l’autobus s’arrêta devant un restaurant pour une courte pause. Les hommes descendirent et le jeune métis passa devant eux et leur dit : « La police ne servira à rien ici. Cette route m’appartient d’ici jusqu’au ruisseau Tijela. Il va continuer à mourir des gens, de plus en plus ! » Les deux hommes lui demandèrent qui il était. Pour toute réponse, il s’éloigna en riant et disparut bientôt dans le brouillard laissant derrière lui une odeur de soufre.
Un pacte avec le diable
Le diable pactiseur se retrouve dans plusieurs régions du sud du Brésil. Les fortunes acquises rapidement, la prospérité soudaine de certains propriétaires terriens sont souvent attribuées à un pacte avec le diable. Ainsi, on raconte qu’un éleveur de la ville de Soledade aurait gagné sa fortune à la suite d’un pacte avec le diable selon lequel il lui cédait son propre fils. De même, une commerçante dont les affaires étaient chancelantes aurait troqué son âme contre une nouvelle prospérité. Toujours à Soledade, une professeure bien connue de la population fut surprise en train d’acheter des chandelles rouges. Ses étudiants, intrigués, la suivirent jusqu’à une carrière isolée où elle alluma quatre chandelles disposées en croix en invoquant le diable pour obtenir… un mari !
Le beau danseur
On retrouve également le diable sous l’aspect d’un beau danseur, menaçant les jeunes filles qui aiment un peu trop la danse et qui ont tendance à délaisser leur fiancé pour le premier étranger venu. Le beau danseur, qui rappelle la légende québécoise de Rose Latulippe, serait apparu dans plusieurs municipalités du Rio Grande do Sul6, lors de bals de carnaval et de soirées dansantes. Le diable s’y présente sous les traits d’un jeune métis, étranger au village, très beau, souriant et sympathique. Très vite, il courtise la fille de la maison ou la plus belle fille du bal et commence à danser avec elle. Vers minuit, la mère de la jeune fille, qui soupçonne quelque chose, se met soudainement à hurler : « O pé redondo ! », « O casco ! » (Le pied rond, le sabot !). Aussitôt, la mère se lance sur le Diable et lui retire sa fille. Ainsi découvert, le beau danseur disparaît dans un nuage de poussière, laissant derrière lui une odeur caractéristique de soufre.
Le loup-garou
La croyance au loup-garou est toujours bien vivante dans le sud du Brésil. En février 1996, le journal Zero Hora rapportait une histoire de loup-garou qui avait semé la panique dans le quartier de Campeste Menino Deus à Santa Maria. La bête n’apparaissait que la nuit, grognant, les yeux comme des tisons, attaquant les chiens et autres animaux domestiques. Le propriétaire d’un magasin du quartier aurait même dressé la liste des suspects possibles, sans la dévoiler bien sûr, trop de personnes connues étant impliquées… Vérité ou mensonge ? conclut l’article ; quoi qu’il en soit, la créature de Campeste est devenue le sujet de conversation obligatoire des rondes de chimarrão.
Les Gaúchos croient que le septième garçon d’une famille doit être baptisé par l’aîné de la famille, faute de quoi cet enfant sera condamné à se transformer en bête, chien ou porc, rarement en loup, certaines nuits, principalement les mardis ou les vendredis. Le loup-garou du sud du Brésil est toujours un homme de race blanche à la peau rude, maigre, les yeux enfoncés, les dents saillantes, le visage plutôt jaunâtre et très pâle. Il habite seul ou avec une vieille étrange, parfois sa mère, ou encore il est marié à une femme qui ignore le fait. Quand un vieux loup-garou se sent mourir, la croyance veut qu’il transmette son mauvais sort à un plus jeune, sinon il souffre atrocement. Il attend donc qu’un enfant passe près de lui pour lui demander simplement : « Tu queres ? » (Tu veux), et comme l’enfant pense qu’on veut lui offrir un présent, il répond « oui » spontanément ; le vieux peut mourir content. La croyance populaire gaúcha voit le loup-garou moins comme un agresseur que comme une victime. Il subit plus qu’il n’attaque. Il doit accomplir son destin, qui est de se transformer en bête et de courir des nuits entières.
Les sorcières
Les sorcières sont perçues comme de mauvaises personnes qui font le mal pour le mal. La croyance aux sorcières, bien vivante au Rio Grande do Sul, commande un ensemble de précautions pour se prémunir du mauvais sort. La naissance d’une sorcière est analogue à celle d’un loup-garou : la septième fille d’un couple sera sorcière à moins d’être baptisée par l’aînée. Les sorcières s’attaquent principalement aux enfants, aux petits animaux et à toute plante ou semence en croissance, parce qu’elles n’ont pas, dit-on, la force nécessaire pour affronter les êtres adultes. L’arme principale de la sorcière est o olho grande (le grand œil) qu’elle place à l’endroit où elle veut faire le mal. Poussins ou petits cochons de lait qui ont le malheur de le regarder meurent sur le champ. Les enfants ensorcelés deviennent jaunes, et faiblissent à vue d’œil.
Les sorcières sont accusées d’aspirer les nombrils des nouveau-nés, ce qui a pour conséquence d’affaiblir les bébés. Le meilleur moyen d’éloigner les sorcières est de confectionner une amulette, ou encore d’utiliser une corne de bœuf et une branche d’arruda, que l’on place près du berceau. Ainsi, le premier présent que reçoit un nouveau-né est une petite amulette d’or ou de bois en forme de poing fermé, qui doit toujours être placée près du corps du bébé. De même, à la porte principale de la maison, il est recommandé de suspendre une corne de bœuf et quelques branches d’arruda. Il est également conseillé de planter dans le jardin un arruda, car les sorcières en détestent l’odeur.
Comment se défaire d’une sorcière ? Il s’agit de retirer tous les meubles de la pièce principale et se placer au centre, la maîtresse de la maison doit répéter trois fois, bien haut, le nom de la femme qu’elle soupçonne être une sorcière. Quelques instants plus tard, la sorcière doit apparaître dans la pièce en disant « A senhora me chamou, vizinha ? » (Vous m’avez appelée, voisine ?), le charme est alors rompu. Pour délivrer un enfant ensorcelé, il suffit de prendre un morceau de son vêtement, plusieurs aiguilles et de pilonner le tout. La sorcière apparaîtra très vite hurlant de douleur.
L’album de famille
Selon Antonio Augusto Fagundes, folkloriste gaúcho, « personne ne peut prétendre connaître un groupe social en profondeur sans aborder son folklore. Étudier les mythes et les légendes est par conséquent fondamental ». Forme d’autobiographie collective, la légende est l’histoire des pères racontée par le peuple. Chaque récit participe de cet album de famille, il est une trace de la petite et grande histoire collective. L’événement socio-historique déclencheur du récit est pris en charge par le groupe, qui l’imprègne de ses valeurs et de ses modèles de comportement. Chaque légende est ainsi le lieu d’une réinterprétation des faits. Bien qu’il soit convenu que ce qui est raconté est non seulement véridique mais aussi vécu, faits historiques et personnages fantastiques font bon ménage, car il s’agit avant tout de s’expliquer à soi-même l’inexplicable et l’incompréhensible, de dire le pourquoi des choses et des événements.
TROIS LÉGENDES7
Le serpent de feu
À la suite d’un déluge, presque tous les êtres vivants moururent. Le grand serpent Guaçu-boi, qui s’était réfugié à la cime du plus haut des arbres, fut parmi les survivants. La fin des pluies fit apparaître les cadavres. Le grand serpent affamé trouva là de quoi manger. Toutefois, il ne mangeait que les yeux, car lorsqu’un homme ou un animal meurt, il conserve dans ses yeux la dernière lumière qu’il a vue. C’est cette lumière que Guaçu-boi dévorait jour et nuit. De tant de lumière avalée, le grand serpent devint lumineux, brillant dans la nuit d’une lumière froide et bleue. Il mangea tant et tant qu’un jour il éclata, dispersant sa clarté froide dans tous les coins. Les Indiens apeurés ne reconnurent pas la Guaçu-boi et s’écrièrent « Mboi tatá ! Mboi tatá ! » (Le serpent de feu !).
Jusqu’à aujourd’hui, le spectre lumineux de la Boitatá hante les nuits de la campagne gaúcha. Il rôde près des marécages et des cimetières, effrayant les fermiers. Les plus courageux prétendent qu’il suffit de lancer son lasso au-dessus de la Boitatá qui, attirée, va s’y enrouler, se briser et disparaître.
Le Jaguarão
Avant la venue de l’homme blanc dans les terres du Sud vivaient les Indiens Charruas et les Minuanos sur les rives du Rio do Pampa. Les Indiens tiraient leur subsistance de ce cours d’eau. Un jour, apparut dans un coin obscur du fleuve, non loin des campements, un être curieux, un monstre moitié chien, moitié poisson, avec des griffes de tigre. Chose étrange, il ne mangeait que les poumons de ses victimes, hommes ou bêtes. Le monstre se terrait dans un trou en dessous de l’eau où il s’était fait une sorte de cachette. Malheur à celui qui passait au-dessus de lui. Le monstre noyait ses victimes, puis mangeait leurs poumons. Les Indiens le nommèrent Yagusa-ru parce qu’il ressemblait à un poisson noir à tête de chien. Les Espagnols qui vinrent par la suite le renommèrentYaguarón, qui signifie « grand chien », ce qui finit par donner en portugais Jaguarão, nom que porte aujourd’hui une ville en bordure du fleuve.
Le petit gardien de bétail
Au temps de l’esclavage existait un propriétaire terrien très méchant qui, sur ses terres situées au bout du monde, faisait sa propre loi sans se préoccuper de personne. Parmi les esclaves de la ferme d’élevage, il y avait un très jeune noir qui était chargé de garder le bétail. Un jour, le jeune esclave, qui souffrait déjà des mauvais traitements de son maître, eut le malheur de perdre une bête. Il fut alors puni avec la plus grande cruauté, attaché à un poteau et battu jusqu’à ce qu’il tombe par terre. Lorsqu’il se releva, son maître le renvoya au champ chercher l’animal égaré. Le petit gardien prit avec lui un bout de chandelle et un peu de feu, car la nuit tombait, et il retourna au champ. Il chercha en vain l’animal toute la nuit et, au matin, il dut retourner à la ferme. Son maître furieux l’attacha à nouveau au poteau et le frappa tellement qu’il parut mort. Il demanda ensuite à ses esclaves d’ouvrir une fourmilière et d’y mettre le corps ensanglanté de l’enfant. Quelques jours plus tard, le patron envoya quelques hommes vérifier la fourmilière ; quelle ne fut pas leur surprise de voir le petit gardien de bétail vivant et souriant près de l’animal retrouvé. Depuis ce jour, le petit gardien de bétail est devenu celui qu’on invoque pour retrouver un objet perdu. Il suffit d’allumer un bout de chandelle et de lui demander de trouver l’objet égaré. Si malgré cela l’objet n’est pas retrouvé, c’est que personne ne le trouvera jamais.
1. Le chimarrão se boit généralement en groupe dans une cuia, petit vase fait de la moitié d’une calebasse. On utilise une seule cuia que l’on se passe à tour de rôle (la ronde du mate). On ajoute à chacun un peu d’eau chaude et l’on aspire le mate à l’aide d’une bomba, sorte de pipette de métal. Le chimarrão accompagne le Gaúcho dans toutes ses réunions amicales et familiales, dans ses sorties du dimanche, et il n’est pas rare de voir l’été, sur les plages gaúchas, se former de petits groupes pour partager le mate tout en conversant.
2. On retrouve surtout dans la tradition gaúcho l’influence et le mélange de ces trois ethnies. Toutefois, en ce qui concerne le folklore du Rio Grande do Sul en général, nous retrouvons également, selon les régions, l’influence des communautés italienne, allemande, espagnole, polonaise.
3. São Francisco de Borja, São Nicolau, São Luiz Gonzaga, São Miguel Arcanjo, São Lourença Martin, São João Batista et São Ângela Custódio.
4. Après trois siècles et demi, le trafic d’esclaves fut officiellement interdit en 1850 et l’esclavage aboli en 1888.
5. « Vou morrer porque sou escravo, mas vou morrer inocent. A prova da minha inocêndia é que essas torres nunca vão ficar prontas ! »
6. Il serait apparu entre autres à Encantado vers 1930. La jeune fille en question fut connue par la suite comme la fiancée du diable. Il serait apparu également à Uruguaiana, durant le carnaval de 1942, et à Osório (date non précisée) durant une soirée du vendredi soir. Fagundes, op. cit.
7. Les trois légendes sont tirées et traduites par l’auteure de l’article du recueil de Antonio Augusto Fagundes, Mitos e lendas do Rio Grande do Sul, Martins Livreiro editor, Porto Alegre, 1992.