Le centenaire du fameux « J’accuse » a ramené Émile Zola sous les projecteurs. On n’en voudra pourtant pas à Henri Mitterrand de n’avoir pas synchronisé l’envol de sa biographie de Zola avec les flonflons officiels. Peut-être ne s’est-il même pas soucié de ce rituel. Si tel est le cas, on lui donnera d’emblée raison : son admirable travail évite ainsi tout risque d’être confondu avec ce qu’exigent et consomment la mode et les médias.
Henri Mitterrand ne se borne pas, en effet, à compulser les papiers et à corroborer les dates. Le Zola qu’il ressuscite diffère de celui qu’on croyait connaître, et Mitterrand le souligne sans complexe. Zola, par exemple, ne s’agenouille pas devant le XIXe siècle scientifique qui découvre et canonise l’hérédité. Bien au contraire, c’est lui, conteur souverain, qui soumet l’hérédité à ses vues, lui qui utilise l’hérédité pour donner son unité à l’extraordinaire lignée des Rougon-Macquart. Au sortir de la démonstration de Mitterrand, c’est tout juste si Zola n’est pas, aux yeux du courant dit naturaliste, un cynique plutôt qu’un adepte. Autre surprise peut-être, Zola, qui entend toujours les exigences des nobles causes, est aussi, de montrer Henri Mitterrand, l’écrivain de son temps le plus rompu à toutes les astuces du marketing moderne. Biographie rigoureuse et libre.