La collection « Bouquins » des éditions Robert Laffont s’enrichit d’un nouveau titre dans son impressionnante série d’anthologies d’écrits de voyage. Après Le voyage en Orient (1985), Italies (1988), Le voyage en Russie (1990), Les Indes florissantes (1991), Le voyage en Asie centrale et au Tibet (1992), Le voyage en Chine (1992), Le voyage en Polynésie (1994), Le voyage en France (1995), Le voyage en Suisse (1998) et Le voyage outre-Manche (1999), c’est le voyage en Afrique qui retient cette fois l’attention. Contrairement à la plupart des autres ouvrages qui proposent une typologie des voyages, cette dernière anthologie se concentre plutôt sur les voyages de découverte. Il faut dire qu’elle couvre la période 1790-1890, époque à laquelle les Européens commencent à explorer le continent africain. En 1788 est fondée, à Londres, l’African Association qui se donne pour objectif de promouvoir l’exploration scientifique de l’Afrique noire. Issue du siècle des Lumières, cette époque d’exploration scientifique qui vise à « remplir le blanc des cartes » est aussi une époque de conquête colonialiste qui aboutira au partage du continent africain à la conférence de Berlin, en 1884, « c’est-à-dire avec la mise en coupe réglée de l’Afrique et la colonisation européenne ».
C’est toutefois le programme scientifique des explorateurs qui a guidé le travail d’Alain Ricard qui écrit dans sa préface : « J’ai donc donné la priorité aux textes qui permettaient de reconstituer la logique de ce programme et apportaient des réponses aux questions géographiques que se posaient les explorateurs. » Cette approche met en évidence l’entreprise collective qui sous-tend cette période d’exploration, crée un enchaînement entre les auteurs choisis, « de Mungo Park, qui montre dans quel sens coule le Niger, à Rolphs, qui réussit une première en allant de la Méditerranée au golfe du Bénin ». En fait, ce croisement des trajectoires, qui se manifeste notamment sous la forme de rencontres, de conflits d’interprétation, d’accusations de mensonge et d’exagération, permet surtout de montrer le lien avec une problématique d’ensemble (« combler les blancs de la carte »), la place du projet d’un explorateur dans l’entreprise collective et la contribution de son ouvrage à cette communauté de propos. Pour finir, nous dit Alain Ricard, « nous apprenons à explorer l’Afrique, mais aussi les représentations que s’en faisaient les hommes du XIXe siècle ».