Se faisant essayiste, l’écrivain et membre de l’Académie française Erik Orsenna fait œuvre originale. Au lieu de deviser sur la mondialisation ex cathedra, il décide de voir par lui-même ce que veut dire, à travers une filière d’activités millénaire, soit la production de coton, cette mondialisation dont on nous rebat tant les oreilles. Il nous amène ainsi au Brésil, en Chine, aux États-Unis, en Inde, en Égypte, au Mali, en France et en Ouzbékistan, les grands producteurs d’une industrie qui fournit encore 40 % du marché mondial du textile.
Agréable à lire, comme on s’y attend, l’auteur nous glisse dans la soie de ses mots pour mieux nous faire connaître ce milieu et ses principaux acteurs. Un des enjeux de cette industrie est la question des subventions et autres faveurs accordées par les États pour protéger leurs producteurs locaux. Comme on s’y attend, les États-Unis tiennent le haut du pavé avec une production moderne, soutenue par le gouvernement, ce qui cause bien du tort aux producteurs moins pourvus.
Comme dans le dossier du bois d’œuvre qui oppose le Canada et les États-Unis, chacun accuse les autres de manœuvres illégales, de mauvaise foi, tout en évoquant les vertus du commerce libre et sans entraves. Sans surprise, on apprend que les plus gros et les plus malins y gagnent, et des nuages pèsent ainsi sur l’horizon de pays plus pauvres, dont le Mali, forcé de privatiser son industrie. Seul le Brésil, dit l’auteur, joue clairement la carte libérale. « Tous les autres pays que j’ai visités, tous, s’arrangent pour fuir les rigueurs et les volatilités du marché : subventions ouvertes ou déguisées, manipulations monétaires ou douanières, batailles de normes, constats préférentiels »