Voilà le voyageur, personnage privilégié de Louis Gauthier, de nouveau lancé pendant cinq mois sur la route. Nous sommes, selon le calendrier chrétien, en 1980, soit au moment du référendum québécois, donc 30 ans avant les événements du Printemps arabe, qui font depuis l’an dernier trembler tous les régimes dictatoriaux.
Le voyageur se laisse dériver « au hasard » et c’est par erreur – je dirais davantage à la faveur d’un lapsus – qu’il se retrouve d’abord à Marrakech, avant de courir d’autres lieux, alors qu’il voulait faire son expérience intérieure en Inde. Il est d’abord méfiant à l’égard des Maghrébins, mais un ancien fonctionnaire lui explique que la différence entre le Maroc, la Tunisie et l’Algérie tient à ce que le premier pays, du fait qu’il est dirigé par un roi, est un homme, le second une femme et le troisième un soldat. Le voilà situé.
Notre homme à l’épiderme misanthrope n’est pas « un pèlerin très obstiné », c’est autre chose qui le travaille, à savoir une femme, Angèle (un nom prédestiné), qui ne cesse pas de ne pas revenir à chaque tournant. Car désormais, sur la route, « tout est à l’extérieur », il se laisse décider par le monde. Qu’est-ce à dire ? Ceci : chaque chose que nous faisons porte ses conséquences, y compris lorsqu’il n’y paraît rien.
L’intérêt de ce récit tient à ce que le narrateur ne pose pas, ne nous assène pas de révélation. Alors qu’il attendait un miracle, il se rencontre lui-même, humain tout à fait ordinaire qui tente modestement d’entendre ce qui le pousse à exister, à savoir à partir d’où bat son cœur. Aucun romantisme ; même que parfois, les questions financières le taraudent au point de le faire presque sombrer dans une dangereuse léthargie. Si le M’zab le séduit avec ses cinq tours de Babel, des minarets et si certains déserts sont ceux requis par les touristes, d’autres, tels ceux entourant El Qued, ou les oléoducs d’Ouargla, peuvent abattre le plus costaud des routards.
Il terminera sa route en Italie et à Londres. Après avoir découvert avec Aurelio, à Trapani, qu’il a sans doute traîné son pays avec lui et raté la cosa vera, il parcourt la Sicile, débarque à Rome puis file à Londres. Près de Piccadilly Circus, il va voir un film : Desperate Life. Parti à la recherche de l’Idéal spirituel, il se retrouve sur le plancher des vaches.