L’injure « Vilaine femme » ou « Nasty woman », que Donald Trump avait adressée à Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle américaine de 2016, est ici revendiquée comme un qualificatif positif.
Un collectif d’autrices refuse aussi l’épithète de « bonnes filles », car elles veulent tout simplement être ce qu’elles sont. Et en témoigner.
Dans la foulée des dénonciations d’abus sexuels en ligne, dont le #BalanceTonPorc en France, le#MeToo ou encore le #MoiAussi relancé de plus belle au Québec à l’été 2020, plusieurs autres mouvements de protestation sont nés sur la planète, dont, justement, l’ironique #Nastywoman ou « Vilaine femme ». Participantes à ce qu’il est convenu d’appeler la quatrième vague du féminisme, quinze femmes écossaises « blanches, noires, migrantes, sorcières, queer, artistes, musiciennes » luttent pour faire accepter leur identité, leur poids, leur handicap physique ou leur héritage familial. Tour à tour, elles racontent leur histoire, une manière bien à elles de dire qu’il est temps que tout harcèlement cesse. Enough is enough.
En guise d’introduction à l’anthologie, on retrouve plusieurs éloges, dont celui de Margaret Atwood, qui aurait qualifié le livre Vilaines femmes de « Fenêtre essentielle sur le mode dangereux où vivent présentement les jeunes femmes ». Les quinze témoignages abordent non seulement les enjeux du sexisme ou du racisme, mais aussi ceux de la grossophobie ou de la xénophobie. Dans « Grosse dans toutes les langues », J. Kottler s’assume : « Alors, aujourd’hui, je suis grosse. Et Américaine. Et je vis en Écosse. […] ce qui doit vraiment changer, c’est ce que j’en ai vraiment à foutre de tout ça ». Quant à Sim Bajwa, elle déclare dans « Retourne dans ton pays » : « J’en ai assez de me sentir obligée de justifier la présence de mes parents dans ce pays ».
Les autrices refusent la banalisation de la haine, la montée de la droite, les clichés, les dictats du patriarcat et toutes autres formes de discrimination contemporaines. Chacune des quinze « vilaines » raconte dans une chronique, un récit, son parcours atypique. L’utilisation du « je » donne aux textes proximité, subtilité et nuance. Telle Rowan C. Clarke qui avoue dans « Faire des choix » : « J’ai choisi de ne pas faire beaucoup de choses qu’on attendait de moi, en empruntant plutôt un chemin où je pourrais être entièrement moi-même ». Ou encore dans « Le féminisme noir en ligne : revendiquer l’espace numérique », Claire L. Heuchan qui explique que « les harcèlements ont pour objectif d’intimider les femmes à la peau noire ou brune, pour nous forcer à garder le silence, pour qu’on se retire de la scène publique ».
Traduit d’une publication écossaise parue en 2017, le recueil voit le jour alors que le Brexit et la crise identitaire nationale écossaise (référendum de 2014) divisent les Britanniques. Le climat politique tendu laisse pourtant place à l’humour, puisque, après tout, faut-il le rappeler, l’Écosse fait encore partie du Royaume-Uni.