Dans un langage direct, simple, dépouillé, Suzanne Marcil, raconte brièvement les derniers mois de la vie d’une vieille dame. Sa grand-mère, apparemment. Annette a 83 ans. Elle est « rangée » par la famille, autorisation officielle en main, dans un mouroir de luxe pour personnes âgées semi-autonomes. On évoque, pour ne pas l’accueillir chez soi, le manque de place, une vie remplie de mille soucis, ou le bien-être de la vieille femme. Abandonnée aux bons soins des infirmières, Annette espère toujours que quelqu’un l’appelle et vienne la chercher. Mais chacun est accaparé par sa propre vie et ses difficultés, et la grand-mère s’évanouira un jour. Sa petite-fille, qui n’a jamais pu apaiser le chagrin d’Annette — peut-être n’a-t-elle jamais compris sa grand-mère — n’ira pas aux funérailles. Elle paiera plutôt une spécialiste pour enregistrer sa douleur, puis s’isolera du monde dans une sorte de folie.
L’auteure de Vestiges, diplômée en arts visuels de l’Université Concordia, accompagne son texte de dessins qui retracent finement les beaux traits du visage de la grand-mère, mais aussi la désolation de ce corps décharné. Ce corps dont chaque chute laisse Annette gémissante et souffrante, étalée au sol. L’auteure voulait dire au monde entier qu’Annette – cette fabuleuse Annette – fut quelqu’un d’exceptionnel ! Pourtant, combien d’Annette ne rencontre-t-on pas dans les institutions de soins aux personnes âgées ? Combien y placent des parents qu’ils ne sont plus capables de supporter ? Le récit de leur abandon est connu et n’est que trop vrai. Notre monde est inhumain ; il l’est plus encore pour ceux qui, lentement, s’acheminent seuls vers la mort.