On connaît surtout Aloysius Bertrand pour avoir été, par les courts récits poétiques de son Gaspard de la nuit, précurseur des Petits poèmes en prose de Charles Baudelaire. Mallarmé et Huysmans se réclamaient aussi de lui. Dans Vers et contes épars, on a l’occasion de découvrir ou de redécouvrir l’uvre du Dijonnais, de même que sa Bourgogne chérie, qui se fait souvent le théâtre de ses courts textes.
Si la mort précoce, à 33 ans, de Louis dit Aloysius Bertrand a fait que l’uvre est parfois fragmentaire, elle n’en a pas moins une solide unité thématique et stylistique. La présentation critique de Thierry Bissonnette et Luc Bonenfant de même que l’ordre choisi des textes contribuent d’ailleurs à mieux en apprécier la valeur. L’auteur et ses productions y sont mis en contexte et sont commentés avec une pertinence et une concision qui égalent style et plaisir de lecture. L’importance historique d’Aloysius Bertrand et la grande rigueur de son travail stylistique émergent, clairs comme de l’eau de roche.
Cette nouvelle édition met donc en valeur le charme discret de cet auteur, une espèce d’honnête homme ayant attrapé le « mal du siècle ». Son humour doux-amer rime avec sa fascination pour le clair-obscur. Chez lui, la mesure dans l’expression se panache de relents de style anglo-saxon, de pittoresque, de thèmes historiques et parfois fantastiques, souvent reliés à l’amour. Tous les ingrédients du romantisme des débuts y apparaissent, de façon pratiquement exemplaire. La peinture des personnages et des lieux se diffuse avec un rythme et une musicalité remarquables, dans les vers comme dans la prose. Certains de ses vers restent même en tête comme des comptines. Si ce poète méconnu s’est attaché au thème de la volupté jusque dans ses ramifications les plus abstraits, ce qui le lie au langage se déploie avec bonheur dans ces vers et contes qui coulent de source.