Qu’un animateur de radio, surtout s’il s’exprime de façon franche et réfléchie, enveloppe certains auditeurs d’ondes étonnamment prenantes, comment en douter ? Si, en plus, l’animateur ne fait pas mystère de son homosexualité, il est plausible qu’un adolescent dont l’enfance n’a été qu’une indicible suite d’abus sexuels et qui se meurt du sida trouve réconfort dans ses propos. L’appel téléphonique discret du jeune Pete à la vedette fait le reste. L’adolescent se sent compris et ose confier à l’aîné le texte où se raconte sa vie douloureuse et écourtée. Bientôt, le manuscrit est promis à la diffusion, mais les deux voix, sur un ton aussi cru qu’intimiste, poursuivent la conversation. Quand Donna, mère de l’adolescent, s’intègre au dialogue, le décor du mystère est planté. C’est à une voix que l’animateur homosexuel offre une tardive paternité pendant que la voix maternelle acquiesce.
Le récit de Maupin maintient le suspense jusqu’au bout, mais ce n’est là qu’un aspect de sa magnifique réussite. Réflexions et dialogues semblent prélevés dans le tissu de la vraie vie. L’échange entre Pete, tôt meurtri et tôt mûri, et Gabriel Noone, quinquagénaire glorieux étreint par son succès, ébranle le plus vieux qui comprend enfin son compagnon, son père, la vie. Et Donna, présence équivoque, modifie sans cesse la trajectoire. Le rythme ne faiblit jamais, la tension non plus, le terme du parcours, s’il existe, s’esquive longuement.