Trois ans après son très beau Chez la reine, Alexandre Mc Cabe nous revient avec Une vie neuve, un roman à haute teneur en réflexions sociopolitiques. Le terme « roman » s’avère d’ailleurs trompeur, dans la mesure où la cohésion plutôt lâche de l’ensemble en fait quelque chose de formellement plus près du recueil de récits. Composé de quatre parties autonomes, l’ouvrage retrace les hauts et les bas des membres d’une famille qui, hormis leur patronyme, entretiennent peu de liens entre eux.
Philippe Leduc nous transporte en période de grève étudiante, au moment où cet avocat vieillissant doit négocier avec les desseins de vengeance de sa belle-fille contre l’un des jeunes leaders du printemps érable. Plus loin, Jean Leduc enregistre un laïus aussi méprisant que contradictoire sur la condition des Québécois. Piétinant la « jeunesse avachie », le sociologue recommande de cesser de prendre les jeunes pour des « imbéciles gnangnan » ; martelant la médiocrité de ses concitoyens, il voue sa sociologie « prospective », comme il la nomme, à déconstruire ce prétendu « atavisme de l’humiliation, de l’aliénation et de la honte » qui leur colle à la peau.
On comprend donc rapidement que ce n’est pas un hasard si l’œuvre est coifféed’une épigraphe de Stendhal, selon qui la politique serait une pierre accrochée au cou de la littérature. Un emprunt néanmoins curieux puisque, à première vue, l’idée s’oppose à l’entreprise du romancier : tandis que le ponte des lettres françaises condamne l’irruption intempestive de la politique dans le littéraire, Mc Cabe en fait l’un des principes moteurs de sa création.
Pour cette raison, les meilleurs moments d’Une vie neuve, où l’on retrouve avec bonheur cette écriture précise et lumineuse de l’auteur,résident surtout dans ces passages qui ne tendent ni à éduquer le lecteur ni à le convaincre d’une quelconque position. Le plus réussi de ces récits reste celui de Benoît Leduc, un pèlerin errant au cœur brisé parti, sans grande conviction, à la conquête de Compostelle. Ou encore cet épisode, authentique et touchant, des fêtes de Noël chez Marie Leduc. Bien sûr, l’approche argumentative pourra sans doute en charmer certains ; d’autres trouveront, au vu de personnages qui se gargarisent d’analyses rappelant la dissertation universitaire, que cette pierre au cou de la littérature, loin de se faire précieuse, a parfois la lourdeur d’un boulet.
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