Comme toutes les autres terres de ce monde, mais peut-être plus que celles-ci, la Caraïbe n’est perçue qu’à travers des clichés que véhiculent principalement les campagnes de promotion touristique. Cela pourrait peut-être s’expliquer par le fait que de nombreuses questions à son sujet restent encore sans réponses précises. En effet, c’est une région mal définie géographiquement : s’agit-il seulement d’un chapelet d’îles ou y intègre-t-on des espaces continentaux comme le Venezuela, la Colombie, les Guyanes, le Suriname, le Mexique, la Floride, autant de territoires que touche cette mer qui, elle aussi, porte le nom de Caraïbe ? Et qui sont ces gens qui l’habitent et que l’on voit si rarement dans les brochures vantant son climat tropical, ses plages de sable blanc et sa mer couleur d’émeraude ? Bien plus simplement, comment désigne-t-on cette région : la Caraïbe, les Caraïbes, les Antilles ? Mais, il ne faut pas croire qu’un séjour à Holguín ou à Puerto Plata peut apporter la moindre réponse à de telles questions.
La vérité est que l’histoire commune de ces territoires nous dit que le monde entier est passé par là, et que chacun y a laissé une trace. D’où la multiplicité de langues et de patois parlés dans cet espace ; d’où la diversité des types physiques : mélanges à des degrés divers de Blancs, de Noirs et d’Asiatiques ; d’où les pratiques religieuses chrétiennes, orientales, africaines et syncrétiques que l’on y trouve. La Caraïbe (optons pour cette appellation) est véritablement à la croisée des chemins du monde.
Ces îles, découvertes dès le XVe siècle, ont vu les pouvoirs coloniaux de l’Europe se battre pour elles. Elles n’avaient pas les mines d’or qu’espéraient les conquistadors, mais elles ont été les pourvoyeuses de richesses comme le sucre, le café, le cacao, le tabac, l’indigo qui ont rendu prospères les pouvoirs coloniaux. Alors qu’à la brise chaude de la région s’est mêlé le vent de liberté qui soufflait en Europe, ces terres ont entrepris dès la fin du XVIIIe siècle de longues luttes, armées parfois, politiques chaque fois, pour conquérir leur indépendance. Mais la vérité est qu’au bout du compte, elles sont passées d’une domination à une autre, celle du puissant voisin du Nord.
Romain Cruse est un géographe qui, pour enseigner la géographie, l’histoire et l’économie de la Caraïbe à l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG), en Martinique, ainsi qu’à l’Université des West Indies (UWI), à Trinidad et en Jamaïque, a dû développer une objectivité que seul un parcours « à pied » de ces territoires peut donner. Il a été au fond des choses, a visité le pays profond et y a séjourné. Son ouvrage, publié aux éditions Mémoire d’encrier, est bien plus qu’un carnet de voyage. Outre des récits anecdotiques qui éclairent sur les mœurs de ces peuples, qui montrent les rapports que l’auteur a eus avec ces habitants, ce livre propose un ensemble d’analyses faites sur le terrain, au contact de la réalité de ces gens d’origines différentes et qui comme tous les îliens sont curieux de savoir ce qu’il y a au-delà de l’horizon. Ils forment donc des peuples qui, comme l’a dit l’écrivain martiniquais Édouard Glissant, ont la possibilité d’être là et ailleurs, enracinés et ouverts.
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