Pour son cinquième livre, le professeur Nicolas Landry a rédigé une monographie très précise bien qu’incomplète, selon ses propres dires, sur la paroisse de Caraquet, située au nord-est du Nouveau-Brunswick, avant la Confédération de 1867. Au XVIIIe siècle, une partie de sa population (celle du haut de la paroisse) s’y était établie en tant que rescapés de la Déportation des Acadiens en 1755 ; les francophones du bas du village n’étaient toutefois pas d’origine acadienne, mais subissaient, comme l’autre groupe catholique, la domination d’une minorité anglo-saxonne protestante.
Une communauté acadienne en émergence se subdivise en six études thématiques portant sur le peuplement progressif de la région, les données démographiques, l’économie et le crédit, la pêche et l’agriculture, les pratiques religieuses et l’éducation. Le texte en soi propose ici et là de brefs récits de vie au Nouveau-Brunswick durant le XIXe siècle, mais aussi des bilans sur les habitudes de vie dans le monde rural acadien. Ainsi, plusieurs travailleurs de cette époque se définissaient dans le recensement de 1861 comme pratiquant simultanément différents métiers : fermiers-pêcheurs mais également charpentiers, meuniers, journaliers.
Cet ouvrage étonnera par la richesse de sa documentation ; le lecteur y apprend une multitude de faits, de statistiques et de dates. On trouve parmi les sources utilisées des testaments et plusieurs fonds d’archives. En outre, les recensements de l’époque révèlent que l’on comptait seulement 173 habitants à Caraquet en 1761, mais au-delà de 2500, soit 15 fois plus, en 1861. Le rôle de cette paroisse relativement petite fut déterminant dans l’émergence de ce que l’on nomme la « Nouvelle Acadie », puisque à l’origine, l’Acadie d’où furent déportés les francophones en 1755 correspondait à ce que l’on nomme depuis lors la Nouvelle-Écosse.
J’apprécie particulièrement le caractère multidisciplinaire du livre de Nicolas Landry, qui intéressera autant les sociologues, les démographes, les ethnologues que les chercheurs en études canadiennes. Je reprocherais seulement à l’auteur de reprendre beaucoup d’éléments qui étaient déjà présents dans ses premiers livres, dont Les pêches dans la péninsule acadienne, 1850-1900.