Cet essai s’intéresse plus « aux idées, aux valeurs, aux analyses, aux propositions, aux rêves de l’homme » (quatrième de couverture) qu’à sa vie par ailleurs maintes fois racontée. Les mots portent tout le respect que les auteurs vouent au Che, présenté comme un homme dont la parole est près de son action, c’est-à-dire un révolutionnaire bouillonnant pour qui la lutte armée n’est pas nécessairement la pierre angulaire du combat, qui imagine des situations spéciales de crise que, la lutte pacifique menée par des mouvements de masse oblige les gouvernements à céder le pouvoir aux forces populaires. Guevara considère que la part de violence ou de pacifisme d’une révolution est proportionnée au degré de résistance des forces réactionnaires à la nouvelle société.
Les premières pages de l’essai campent le « personnage » durant la période de guérilla en Bolivie. C’est donc directement l’homme que nous rencontrons ; fatigué, malade, accablé de difficultés militaires, poursuivi par le pouvoir en place soutenu par la CIA, mais aussi déterminé, riche de convictions profondes dont jamais il ne se détourne. On le rencontre aussi à travers ses idées sur les combats menés à Cuba, au Congo et finalement en Bolivie où il est exécuté en 1967.
Les aspirations du Che tendent vers un nouveau monde égalitaire. Sa pensée socialiste évolue avec l’expérience de la réalité. Il en vient à critiquer sévèrement les « lois staliniennes » et développe une théorie économique communiste, pour lui plus moderne et plus adaptée aux besoins du tiers-monde. Guevara prône une alternative communiste-démocratique du modèle (stalinien) soviétique. Olivier Besancenot et Michael Löwy se permettent de souligner certaines faiblesses dans l’élaboration des théories guévariennes, sans insister. Son influence actuelle est démontrée à coups de sigles de mouvements révolutionnaires de la Bolivie, du Chili, du Guatemala. Les années de feu (1960-1979) instruisent du mouvement guévariste au Vénézuela, au Pérou, en Colombie. Che Guevara est considéré comme un héros, un symbole et un précurseur du socialisme continental.
Finalement, les auteurs abordent le thème de l’internationalisme prolétarien, l’altermondialisme du XXIe siècle. L’œuvre du Che, dont la première valeur est l’être humain, se continuerait dans une démocratie étendue au domaine socioéconomique et dans le libéralisme, l’équité et la charité, qui remplaceraient le précepte liberté-égalité-fraternité.
Les propos tenus par Daniel Bensaïd en juillet 1997, ajoutés à la fin du livre, résument mieux que toute théorie politique le Guevara humain et plus vivant que jamais. L’homme pressé a couru le monde avec le sentiment que les catastrophes étaient toujours sur ses talons. Il a vécu intensément une existence relativement courte.
L’essai suscite une réflexion sur l’œuvre du Che mais ne s’adresse pas nécessairement aux « néophytes révolutionnaires ». Néanmoins, le parfum final de la lecture sent résolument la note de cœur avec une note de fond non équivoque qui nous convainc de l’intégrité de l’homme.