Il était temps ! La réflexion vient spontanément à la bouche devant un chef-d’œuvre dont la traduction nous parvient avec près de cent ans de retard. La réussite est, en effet, exemplaire en chacune de ses composantes. Par son décor, celui de Charlevoix et de La Malbaie ; par son sujet, l’enracinement d’un officier écossais en terre francophone et catholique ; par son narrateur, un historien torontois rassurant par son recul et séduisant par son sens de l’équité. Ajoutons en prime une magnifique mise en perspective par Philippe Dubé, homme impressionnant de culture, de nuances et de clarté. Le risque est grand, cependant, tant le récit satisfait aux plus modernes exigences de la narration historique, d’oublier que les plus récents des faits racontés datent de près d’un siècle et demi et que l’historien lui-même a terminé son récit il y a près de cent ans. Si l’on s’arrête un instant à cette résistance au temps, on admire George M. Wrong d’avoir su, si tôt et si bien, raconter avec sérénité l’insertion d’un clan écossais dans la trame de Charlevoix. Car les soldats détachés du clan marient des femmes francophones, élèvent leurs enfants en français, respectent le régime seigneurial, vivent en cordialité avec le clergé catholique. Le public d’aujourd’hui, à qui on vante la force d’attraction de l’anglais et qui éprouve de la gêne devant les énormes églises en attente d’un projet, entendra ici (sans jeu de mots) un tout autre son de cloche. Cette fois, l’érosion linguistique joue dans l’autre sens et les croyants protestants envient la sagesse des catholiques qui, eux, n’ont pas multiplié inutilement les lieux de culte ! Récit vivant, brillamment présenté, servi par un traducteur à la hauteur et témoignant d’un immense respect pour chacune des convictions.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...