« Quelle chose plus belle à avouer que ce qui fait le prix d’un écrivain comme Thériault, c’est ce qu’il vous redonne de vous-même, que vous croyiez avoir enfoui très loin dans les limbes de la mémoire […]. » Voilà le ton de l’œuvre. Touchant, le témoignage de l’essayiste qui projetait d’abord de rédiger un texte savant sur l’art de Thériault, conteur. Les émotions à la relecture des contes de son aîné l’ont entraîné ailleurs sans qu’il résiste. De sorte que l’observateur, Victor-Lévy Beaulieu, se livre en parlant de l’objet observé, l’homme Thériault et son œuvre. Affection pour l’homme, admiration pour l’écrivain assurément, mais sans complaisance. De l’homme, on lira les origines modestes, l’abandon de l’école au cours de la neuvième année, la venue à l’écriture après avoir parcouru le territoire du Québec à tâter de cinquante-six métiers. Le portrait de l’homme laisse voir encore, d’où le titre, un être « peu scrupuleux, absolument infidèle aussi bien pour ses affaires qu’en amitié, […] la seule mesure à jauger étant tout le profit à réaliser immédiatement ». Quant à Victor-Lévy Beaulieu, désorienté au sortir de sa douzième année, il se découvre une parenté avec Yves Thériault qu’il a eu l’occasion de croiser. D’origine modeste, peu scolarisé et réfractaire à l’autorité, Thériault est devenu écrivain. Ce sera aussi le métier de Victor-Lévy Beaulieu, à défaut de pouvoir réaliser son rêve le plus cher qui est de devenir cultivateur. Fragments autobiographiques et biographiques s’entrecroisent comme pour expliquer le retentissement, chez l’essayiste, de l’œuvre du conteur et servir d’assise au traitement qu’il en fait . Car Victor-Lévy Beaulieu introduit au fil de la chronologie son analyse des fictions de Thériault : « Espace géographique et social de l’histoire », « intrigue », « signification mythique de certains personnages », « thèmes récurrents », « langue et technique d’écriture » sont les points abordés de façon plus ou moins appuyée selon les œuvres.
Beaulieu a su mettre en valeur l’originalité de Thériault. Son essai suscite le désir de (re)découvrir l’œuvre du conteur prolifique. Aussi sait-on gré à Denis Carrier des éditions Typo d’avoir autorisé la reproduction de sa bibliographie des œuvres de Thériault.