Après avoir édité les Poèmes épars de Gaston Miron, en 2003, Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu proposent maintenant le gros œuvre littéraire en prose du même auteur : il s’agit de « l’essentiel » des « nombreux textes de réflexion et d’intervention » que l’écrivain a rédigés sur près d’un demi-siècle. Quelques-uns de ces écrits ont déjà été publiés dans les différentes éditions de L’homme rapaillé (1970). Les accompagnent cette fois « des articles parus dans des revues ou des journaux aujourd’hui introuvables, des textes de conférence restés inédits, des discours de réception, des préfaces et hommages offerts à des amis, des interventions politiques, des prospectus et autres textes d’éditeur » (4e de couverture).
Cette édition attendue est précédée d’une présentation éclairée où Marie-Andrée Beaudet résume en quelques pages la personnalité singulière d’un poète (au sens étymologique du terme) qui fut tout à la fois essayiste, éditeur, militant linguistique, polémiste politique et animateur culturel. Qu’ils appuient ou non la cause de l’indépendance du Québec et le combat pour la langue française de Gaston Miron, les lecteurs ne pourront guère demeurer insensibles devant l’humilité et l’honnêteté intellectuelle de l’écrivain, sa démarche sincère et constante d’élucidation de lui-même, son idéal communautaire plus humain et son irrépressible besoin de rejoindre l’autre, entendu au sens le plus large qui soit. Sur le plan formel, la présentation souligne avec perspicacité les principaux contours de cette œuvre aux accents distinctifs, dont, entre autres, « l’ossature […] de [l]a syntaxe », la diversité des registres et « les marques d’oralité », même avec ses « maladresses » et ses « répétitions ».
Parmi les 79 pièces ou fragments de pièces édités par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu, on remarquera tout particulièrement le texte éponyme du recueil (1965), de même que les conférences de 1974 et 1990 (« Conférence de l’Estérel » et « Parcours et non-parcours ») et le pamphlet « Chus tanné » (1987) portant sur l’éternelle question de l’avenir du français au Québec : Gaston Miron y dénonce de façon colorée et accrocheuse les « chialeux velléitaires », le « perroquettisme historique » des Québécois, les « crachats » du « machin fédéral » sur le gouvernement provincial…
Cette édition, consciencieusement annotée, est d’ores et déjà un livre incontournable.