Soixante-treize textes sont réunis sous l’étiquette « Contes et poèmes ». Hélène Monette dédicace son recueil « aux enfants que vous étiez et pour les enfants à présent ». Il s’agit à la fois d’un plaidoyer pour la défense des enfants de partout affligés de multiples maux, et d’un réquisitoire contre « les vampires du siècle », contre les bâtisseurs et les aspirants au « grand cachot d’argent » et aussi contre les pères et mères sourds à la détresse des enfants. Ainsi présentée on pourrait croire à une œuvre moralisatrice. Rien de tel. La poète touche par la justesse et la force de ses évocations, pas de prêchi-prêcha. Avec le premier texte, elle entre dans un monde de sensations et de rêveries, se met en état de partir «pour le pays de [ses] premiers sentiers », terreau des expériences fondatrices. La voilà empathique aux souffrances des enfants blessés dont elle adopte les divers points de vue pour observer le monde : pollution, « forêts décharnées », « temps de grande famine », « grand échiquier inégal », gens « délogés de la banque et du banquet », catastrophes naturelles et solitude se cangrènent le globe. Le sort de la planète est intimement lié à celui de l’enfant dans la thématique de Monette. En effet, de la planète qu’ON détruit, on avance vers la prison intériorisée du JE, car « [l]’enfance de son père occupe le fond d’un réduit dans la maison de lui-même ». La famille n’échappe donc pas au regard lucide et pénétrant de l’artiste. Sa plume fait sortir de l’ombre les maux camouflés dans la couleur du temps : « Ma mère est une bum et mon père est en morceaux.» Et sa voix résonne longtemps encore après ce texte qui tient à deux phrases et qui illustre jusqu’à quel point sa poésie s’éloigne de l’hermétisme auquel le genre est souvent associé : « Les contes de fée n’ont plus la cote. Alors maman me raconte sa vie : c’est effrayant. »
Des citations en exergue des Gabrielle Roy, Marie-Claire Blais, Alice Miller, Gaston Miron et autres écrivains soulignent la structure du recueil et fournissent des repères au lecteur tout au long du parcours d’Un jardin dans la nuit qui s’avère une invitation à ranimer « notre vie profonde, jardin blotti dans l’obscurité du monde ».