Faire le point « après des années de militantisme syndical ou politique, après plus de trente-cinq ans d’enseignement, après des centaines d’articles et une quinzaine de livres, à l’âge de soixante-sept ans », voilà le sain besoin que ressent Jean-Marc Piotte et dont lui sauront gré ceux qui l’ont souvent admiré au cours de ce cheminement.
L’honnêteté, sans surprise, est au poste. Piotte reconnaît avoir fluctué, avoir évolué, au rythme de sa génération, de la pratique religieuse à une rationalité exigeante et toujours précaire. Il a épousé des causes au bien-fondé négociable et cherché une voie mitoyenne entre adhésion et distance critique. Témoignage susceptible de rassurer les contemporains sur les méandres de leur parcours personnel.
On ne pouvait pourtant pas s’attendre à ce que Piotte renonce soudain à ses réflexes de professeur et d’analyste, à ce que le regard sur le rétroviseur détourne du présent. Une fois de plus, Piotte cède à sa propension un peu sèche à loger penseurs et doctrines dans des tiroirs. En ce sens, Un certain espoir prolonge si fidèlement Les neuf clés de la modernité (Québec Amérique, 2001 et 2007) et Les grands penseurs du monde occidental (Fides, 1997, 1999 et 2005) que Piotte en oublie sa promesse de « faire le point » sur sa trajectoire personnelle. Toujours il lui faut fournir les dates inscrites sur les pierres tombales, comme le ferait un plan de cours universitaire ; toujours la une le fait réagir. Le lecteur y gagne des commentaires liés à l’actualité immédiate (Caisse de dépôt, ébranlement économique…) ; il y perd l’examen approfondi d’un cheminement personnel à la fois typique et sans parallèle.
À juste titre, Piotte constate que le passage du temps met en lumière divers risques mal mesurés au départ. Le Québec a tant misé sur la langue qu’il en a négligé la culture. Fédéralistes et souverainistes ont avalisé un libre-échange dont les gourmandises se révèlent aujourd’hui coûteuses pour l’autonomie politique, les droits fondamentaux, les priorités sociales. Vrai et pertinent. Piotte frappe moins juste, me semble-t-il, à propos des homosexuels : « Les gais semblent avoir perdu tout esprit contestataire, comme si leur rêve était de se fondre dans la société et d’être comme tous les autres ». De même, son éloge de la tolérance néglige le risque que le tolérant, de son haut, limite paternellement le droit de l’Autre.
Piotte en a trop et pas assez dit sur son cheminement pour qu’on accepte comme terminal ce début de mise à jour.