« Quelqu’un a parlé avec moi comme avec son égal. Quelqu’un m’a appelé par mon nom. Pour la première fois de ma vie, quelqu’un m’a appelé par mon vrai nom, comme un homme véritable » Ce court passage traduit l’essence du roman de Vicki Baum dont l’œuvre est remise au goût du jour par les éditions Phébus.
Née en Autriche au XIXe siècle au sein d’une riche famille juive, Vicki Baum publie son premier roman en 1919. Plus d’une cinquantaine de titres suivront qui, pour la plupart, seront des best-sellers traduits dans plusieurs langues. Une dizaine d’entre eux sont aussi adaptés pour le grand écran, dont le fameux Grand Hotel mettant en vedette les icônes Greta Garbo et Joan Crawford et qui raflera l’Academy Award. Naturalisée Américaine, Vicki Baum meurt en 1960 à Hollywood. Ulle, publié en 1924, fait partie des premières œuvres dans la veine réaliste allemande de la romancière et scénariste.
Ulle, surnom de Ulrich Moog, est le dernier rejeton d’une famille devenue pauvre à la suite de la déchéance du père après l’amputation d’une jambe. La mère, bientôt veuve, survit en se prostituant. Déjà marqué par sa situation familiale, Ulle est encore plus stigmatisé du fait de son aspect physique : c’est un nain, un de ces avortons dont un certain Hitler et ses amis voudront se débarrasser quelques années plus tard comme le rappelle l’éditeur de cette réédition dans sa note. Et c’est sans doute là que le roman de Vicki Baum prend toute son envergure : Ulle apparaît comme le présage des horreurs à venir, liées à l’épuration de la race par les nazis alors que juifs, Tziganes, homosexuels, handicapés mentaux et physiques sont purement et simplement éliminés. Mais du cirque au théâtre jusqu’à son retour dans le grand anonymat de la rue, Ulle ne perd jamais ni sa grande dignité ni son extrême lucidité.
Ulle, un roman classique qui permet de découvrir l’œuvre de celle que critiques et éditeurs saluent désormais comme l’un des grands écrivains du XXe siècle.