L’homme a été tellement adulé et si intensément détesté qu’on croyait bien tout savoir de lui. John English, patient, pondéré, prouve qu’on aurait eu tort de fermer le dossier. Sa biographie de Pierre Elliott Trudeau fourmille de révélations éclairantes, mais elle est surtout riche d’une réflexion à la hauteur du phénomène. Le ton ne doit rien à l’idolâtrie ni au rejet systématique. Tout au plus pourrait-on reprocher à la biographie ce qui, pourtant, fait la gloire d’un bon système judiciaire : la présomption d’innocence. Quand aucune certitude ne se dégage des faits, English fait jouer le doute en faveur de Trudeau. Cela n’est quand même pas anormal.
Parmi les axes qui structurent la biographie, English insiste sur la formation de départ, la fortune familiale, la présence de la mère, les flirts du célibataire, la confiance tenace accordée à des revues au tirage confidentiel… Sur chaque front, English est honnête, allergique au manteau de Noé comme au voyeurisme médiatique, attentif aux autres biographies de Trudeau et autonome dans ses appréciations. À ce stade, car ce premier tome s’arrête au moment où Trudeau prend la direction du Parti libéral fédéral, English a déjà établi que Trudeau tient à ses mystères, mais qu’un bon biographe peut en percer plusieurs. Une lecture tonifiante.