Comme toutes les nouvelles de Jean-Paul Beaumier, on déguste celles-ci à toutes petites doses. Pour la qualité de l’écriture, pour tenter, vainement d’ailleurs, de prévoir l’imprévisible dénouement, pour mieux entrevoir d’un texte à l’autre les doubles et triples fonds. Un père, que l’on tenait pour figé à jamais, se permet un vœu. La jalousie se révèle à la fois erratique et justifiée. Les courriels circulent avec leur faux naturel et leurs pressions sur les relations humaines. La première neige marque le passage vers autre chose, peut-être la fin d’un amour, mais peut-être la transition ne sera-t-elle pas aussi légère qu’il semble. Et quand flanche la mémoire, un art existe-t-il qui puisse, en multipliant les quadrillages mentaux, repêcher le nom manquant ?
Parler de culture et de raffinement, ce serait juste et superficiel. Jean-Paul Beaumier, en effet, fait plus que créer de superbes bibelots. Il enseigne à douter de ce que l’œil voit, à prêter une oreille plus attentive à ce qui bat sous les apparences et qui peut même modifier le sens des confidences. Il maîtrise admirablement les astuces et les techniques de la nouvelle, y compris celle de la chute, mais il ne s’incline devant aucune orthodoxie. Avec goût et liberté, il offre la chute, sachant que l’absence de chute peut équivaloir… à une chute.
On appréciera aussi l’ampleur du registre. De la carte postale au contact par Internet, du timide amour paternel à la vengeance sanglante, de la réponse embellie offerte au sondage téléphonique jusqu’aux conséquences du retour à l’heure normale, c’est la vie qui affleure, déroute, étonne, humanise, émeut. Tout cela avec peu de mots, sans la moindre lourdeur, avec un fascinant mélange de sagesse et de réalisme tendrement cynique.
Beaumier demeure libre d’orienter son talent à son gré. Souhaitons qu’il ne renonce jamais à l’écriture de nouvelles ni au regard qui en débusque le départ.