Deux hommes, deux amis, s’écrivent : l’un vit en Ontario, l’autre au Québec. Vingt lettres sont échangées entre mai 1998 et juin 2000 ; de « vraies » lettres sur papier (pas toujours écrites à la main toutefois) qui témoignent de l’attachement des deux auteurs à l’écrit.
De quoi (se) parlent-ils ? Des difficultés de leur vie quotidienne, des formes de conscience politique, de l’ancrage des identités, de leur rapport à la langue, de la figure du Père, du rôle des intellectuels, du concept d’américanité au Québec, de la culture franco-ontarienne… mais surtout et avant tout de leur rapport à la littérature. C’est cela qui les tient et qui les rapproche. François et François s’interrogent sur leurs lectures réciproques et s’épanchent sur Jacques Ferron, Gilles Marcotte, François Dallaire, Daniel Poliquin, Hubert Aquin, Anne Hébert et bien d’autres comme Edouard Glissant, Tahar Ben Jelloun, Du Bellay, Montaigne, Fernand Dumont ou encore Lacan… Les lettres sont disertes et savantes. Trop sans doute, car les auteurs en oublient d’être simples. Ils dissèquent leurs goûts et leurs sentiments, ils théorisent sur toute chose et transforment la plupart de leurs lettres en des récits à la fois débordants et lisses, inflationnistes et amaigris par une écriture ostentatoire et péremptoire : « L’idée, donc, pour revenir au lien social, que je ne suis, que nous ne sommes, bref que l’on n’est que de passage, non pas parce que l’on meurt un jour, mais parce que l’on ne naîtra (peut-être) jamais en tant qu’individu membre d’un projet collectif (je ne parle pas de l’indépendance du Québec, même si pour plusieurs ce besoin participe certainement de ce besoin d’existence), d’un projet qui vous ancre bien comme il faut dans le social et le culturel ; et ce vide contribue à alimenter l’absence du réel. »
Mais qu’ont-ils donc à prouver à se comporter en pisse-froid ? Il y a bien sûr quelques passages émouvants ou amusants (un seul) mais globalement cet échange épistolaire est marqué au coin de l’austérité. C’est dommage. Ces lettres auraient certainement gagné en légèreté et en authenticité si elles n’avaient pas été conçues d’emblée comme un projet de publication : « Nous le savions depuis le début : ces lettres seraient ouvertes, publiques. » L’écriture aurait-elle été moins désincarnée, plus singulière et le rapport à la littérature, à la vie, moins ascétique et plus jouissif ?