Il est bon de lire ce dernier ouvrage de Dany Laferrière avec un recul par rapport au 12 janvier 2010, date à laquelle Haïti a été frappée par ce qui a été, sans doute, la plus grande catastrophe de son histoire : un tremblement de terre de magnitude sept sur l’échelle de Richter. Remis du choc des images que la télé diffusait en continu, on peut mieux écouter Dany Laferrière. J’utilise à dessein le terme « écouter » car les impressions de l’auteur, petites observations rangées sous différents titres, nous sont données comme s’il nous parlait.
Il a vécu l’événement avec, bien entendu, son effet de surprise, le désarroi qu’il provoque et la peur qui s’ensuit, la peur pour soi et aussi pour les autres. Il est reparti peu après et c’est alors qu’il a pu digérer ces moments, les intérioriser pour mieux les relater. Dans son récit, on ressent l’admiration sans bornes qu’il a pour le peuple haïtien, peuple qui n’a jamais perdu espoir et qui puise son courage et son goût de vivre à une source qui semble intarissable. En fait, c’est comme si Dany Laferrière nous donnait ce peuple en exemple car, s’il est vrai qu’il a vécu des catastrophes de toutes sortes (cyclones, crises politiques ), il est aussi vrai qu’individuellement nous avons vécu ou aurons à vivre des catastrophes grandes ou moins grandes, avec leur lot de surprise, d’indécision, de peur.
Une expérience comme celle qu’a vécue Dany Laferrière en Haïti invite à la réflexion. Il est un écrivain certes mais aussi un homme de média. Il est sollicité de partout, on veut s’assurer qu’il a survécu et puis avoir ses impressions sur ce qui s’est passé. Il doit admettre qu’il n’avait pas une vue générale de la catastrophe car, sur place, l’information ne circulait pas, les communications étant devenues quasiment inexistantes. Il retrouve alors ses notes (il a toujours sur lui un petit carnet), rédige ses brèves chroniques auxquelles il rattache un ensemble de considérations sur les choses humaines, sur ce pays qui l’a vu naître. « J’écris, dit-il, pour ceux qui n’écrivent pas. » Pour ce faire, il se donne le temps que les médias ne peuvent pas se permettre. Il se donne le temps de dire ce que dans l’émotion du moment, des chroniqueurs qui connaissent peu ou pas ce peuple, sa langue et ses croyances, n’ont pas pu transmettre. Il se donne ce temps que des secouristes, professionnels ou amateurs, étrangers ou haïtiens n’ont pas eu pour dire, trop attelés qu’ils étaient ou qu’ils sont encore à la tâche d’aider des milliers de personnes. Il dit enfin tout ce que doivent savoir ceux qui, depuis le 12 janvier 2010, ont Haïti à l’esprit ou dans le cœur.