« Ce livre s’écrit avec Thelma et Louise, mais aussi quelque part entre elles, à l’endroit où elles sont liées. » Dans son plus récent récit, Martine Delvaux nous installe avec elle, entre Thelma et Louise, pendant qu’elle tente de cerner ce qu’il y a pour elle d’incontournable dans ce film de 1991. Le film devient un fil conducteur et l’autrice nous entraîne dans ses réflexions sur l’amitié féminine, la force du cinéma, les marques laissées par la violence misogyne, etc. En établissant une narration en rhizomes qui laisse une belle part aux associations d’idées, Delvaux crée un texte qui respire et laisse à la lectrice et au lecteur un espace pour dialoguer avec ses propres souvenirs de cinéma, de vie, d’amitié, de violence.
Dans une approche profondément réflexive, l’écrivaine nous donne accès à l’atelier du livre en train de se faire. Elle sait qu’il y a quelque chose à écrire à propos de ce film. Est-ce à propos du film, vraiment ? Est-ce autour ? Est-ce à propos d’elle ? Ou de cette jeune fille qui en 1991 pleure dans la salle de cinéma où elle voit Thelma et Louise pour la première fois? « Quelque chose tente de s’installer, ça s’agite à l’intérieur de moi, il y a une urgence, une présence ancienne, patiente, qui a attendu jusque-là et qui n’en peut plus d’attendre. »
Ce « ça » que tente de cerner l’écriture, quoi que certains puissent en dire, n’est pas narcissique. Il a le talent de parler à la fois d’une femme, de ses souvenirs, mais aussi des femmes et du monde. Delvaux est très habile dans sa façon de nous rappeler de quoi 1991 était fait, et le chemin qu’elle trace pendant le quart de siècle qui nous sépare de la sortie du film n’est pas que le sien, il nous concerne tous.
Parmi les outils que convoque l’autrice, cette façon de réécrire des scènes du film s’avère particulièrement riche. La narration des scènes, comme on le ferait pour un rêve, met en évidence des dynamiques, des répliques, des détails qui permettent à la réflexion de rebondir ailleurs et d’enrichir notre regard. Thelma, Louise et moi raconte l’histoire d’une femme qui regarde un film ; c’est la trace d’une pensée lucide en mouvement.