Jacques Ferron est bien plus connu pour ses activités politiques, comme fondateur du défunt Parti rhinocéros, par exemple, ou encore pour ses contes (L’amélanchier, Les confitures de coings, etc.) que pour son œuvre dramatique. Il a pourtant écrit de nombreux textes pour le théâtre. En fait, Jacques Ferron apparaît comme l’un de ces auteurs dont le nom est généralement connu, mais dont l’œuvre est quelque peu ignorée, et, dans le cas du théâtre, peu jouée. Peut-être pour contrer ce triste état de choses, Typo rééditait en 1991 Théâtre I ; une compilation de cinq textes dramatiques publiés et/ou joués entre 1950 et 1958.
Force est d’admettre que les textes de Jacques Ferron ne sont pas des plus banals. Que ce soit les échanges entre un singe, un manchot, une amazone et une pucelle dans la pièce métaphorique intitulée Ogre ou le mélange de personnages historiques et fictifs dans Les grands soleils. Même si l’on sent que le temps est passé sur ces textes, la langue demeure tout simplement superbe. L’Ogre, par exemple, se démarque tout autant par la thématique, qui n’est pas sans rappeler Ionesco, que par le style où l’on croirait parfois reconnaître celui d’Hugo… Malgré cela, le théâtre de Ferron est rarement joué. N’est-ce pas le pire destin, pour un nationaliste dont le talent de polémiste est plus largement connu et reconnu que les oeuvres, que d’être oublié, enterré sous la poussière des bibliothèques, bref d’être effacé de la mémoire de la collectivité qui lui était si chère ?
Il ne reste, en terminant, qu’à exprimer un souhait, une prière : voir un texte de Ferron sur scène, monté par un groupe dont la jeunesse saurait insuffler une nouvelle vie à des personnages qui meurent autrement, « sans metteur en scène », dans l’indifférence générale.