Ce volume rassemble cinq pièces de théâtre inédites écrites par l’auteur de Prochain épisode entre 1948 et 1960. L’ouvrage succède de façon conséquente à la monumentale édition de Téléthéâtresqu’avait préparée François Harvey pour BQ à l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de l’écrivain en 2017.
Dans l’introduction, Harvey prévient le lecteur que l’œuvre dramatique d’Aquin est souvent empreinte de maladresse, d’inexpérience et de naïveté. Aucune de ses pièces n’a été sérieusement retravaillée ni présentée sur une scène. Malgré tout, le sixième art constitue un volet significatif de sa production, « un laboratoire où le jeune homme fait ses classes » et où, à travers une « écriture en formation », il sonde l’âme humaine et débusque sa part d’obscurité.
Le drame des hormones (1948) et Le quatuor improvisé (1949) sont des comédies remplies d’irrévérence et d’ironie. Dans la première, un homme et une femme, qui font penser à Adam et Ève, ont envie, sous la poussée de leurs hormones, de commettre un péché, puis s’amusent à refaire l’histoire de Tristan et Yseult avant de devoir se débarrasser d’un encombrant crucifix et de mourir, suffoqués du Christ. Dans la seconde, quatre personnages attendent, dans un presbytère, de rencontrer le curé. Ils en viennent spontanément à improviser une tragédie : une histoire d’infidélité et de jalousie où l’amour apparaît comme un poison.
Les trois pièces suivantes sont des drames. Dans Le prophète (1952), « satire grave » en neuf tableaux, Aquin présente l’ascension et la déchéance de Jacques dans le cœur du peuple, qui en a fait un chef, un maître, puis le condamne comme traître après qu’il eut refusé leurs divisions et leur nationalisme. Dans L’écorché vif (1953), un jeune homme désargenté, Robert, est désemparé de voir Jeanne, « sa » Jeanne, lui préférer un dentiste. La mère et le frère de Jeanne lui témoignent de la sympathie, mais le père le voit comme un détraqué. Le désarroi de Robert est mis en relief dans de courts monologues intérieurs. Enfin, L’emprise de la nuit (sans date), la meilleure pièce du recueil, prend des allures de film noir. Deux fonctionnaires planifient l’assassinat du directeur de service, qui porte un patronyme symbolique : Saint-Père. Celui-ci meurt, mais de manière apparemment accidentelle, ce qui a pour effet de perturber la suite des choses. Ici, Aquin use plutôt adroitement de l’effet « coup de théâtre ».