Ksar Saïda, « carrefour des désespoirs, impasse de toutes les solitudes », est un endroit aux charmes multiples : on y peut « compter les cailloux, trier les cailloux, soupeser les cailloux, jongler avec les cailloux, grimper en haut du tas de cailloux d’une montagne pour voir à l’infini s’étendre des champs de cailloux ». Plus précisément, c’est une petite ville algérienne où Morgan Sportès a passé un an lorsqu’il écrivait son premier roman Siam, une ville qui, avec ses paradoxes, devient un des thèmes principaux de son dernier roman, Solitudes.
Se retirer du monde pour pouvoir écrire, c’était l’unique plan, l’ultime but de l’auteur. Mais, comment écrire quand il n’arrive pas à se préparer du café sans que sa cafetière n’explose, dans une ville où il ne peut acheter un simple robinet, où il n’y a pas de restaurants, de taxis, de ramassage de poubelles ? Comment écrire quand l’envie sexuelle l’envahit, dans cette ville où « la femme ne sort que deux fois : de chez son père, pour aller chez son mari ; de chez son mari pour rejoindre la tombe » ? Évidemment, il s’agit de toute une aventure. De l’aventure que Sportès raconte d’une manière très sympathique, légère, presque égayante.
Ainsi, malgré le titre du roman, ce n’est pas principalement la solitude que l’auteur aborde : bien qu’on l’y voie se battre contre les doutes portant sur l’utilité et la valeur de son écriture, contre son anxiété devant la page blanche, Sportès ne raconte pas uniquement l’histoire d’un individu qui s’impose l’isolement et la discipline pour pouvoir créer mais aussi l’histoire d’un pays divisé par des combats et rancunes anciens, d’un pays où tout est caché, où les apparences sont plus trompeuses que jamais.
Bref, Solitudes est un bon roman qui saura provoquer (et garder !) l’intérêt du lecteur et qui le fera sourire à maintes reprises. Impossible de faire autrement d’ailleurs lorsqu’on apprend, par exemple, que, en Algérie, « les poules en grève refusent de pondre » !