Six mois, seulement six mois pour condenser tous les désirs, les rêves, les réflexions d’une vie entière ! Six mois, c’est le temps qui reste à Rébecca, atteinte d’une tumeur au cerveau grosse comme un pamplemousse. Armée de l’amitié inconditionnelle de Charlotte, elle se rend jusqu’au Grand Canyon ; voiture décapotable, vent dans les cheveux, fous rires, tout y est pour profiter de ses derniers moments avec son amie. Mais la Mort est là qui la guette et qui prend son mal en patience… que six mois encore à attendre. Rébecca et Charlotte décident de mettre sur pied le programme VIA (vie intense accélérée) qui les amène à vivre des péripéties à la Thelma et Louise.
Apprendre à vivre tout en sachant sa fin proche, c’est voir différemment chaque jour, chaque heure, chaque minute. Ce roman éclaire les facettes insoupçonnées du deuil anticipé. Pourquoi attendre de savoir que la mort approche pour commencer à vivre ? Tous ces petits gestes que l’on fait parce qu’il y aura demain… Toutes ces paroles ravalées parce qu’on a le luxe de les remâcher avant de les dire… Toutes ces choses qu’on prévoit faire un jour… Six mois sans pamplemousse est un petit bijou de réflexion sur l’existence et une ode à l’amitié. Malgré le thème noir, l’auteure ne s’enfonce pas dans la tragédie facile, mais met l’accent sur la prise de conscience du bonheur au quotidien.
Carole Tremblay porte plusieurs chapeaux, mais se consacre particulièrement à son public chéri : les jeunes. Auteure, libraire, critique, animatrice, directrice littéraire, la Québécoise signe ici un premier roman pour adultes. Ceux qui ne prendront pas le temps de le lire avec un deuxième œil resteront mi-figue mi-raisin, et passeront à côté d’une force stylistique, la charge émotive derrière des mots concrets, accessibles, tangibles. « Finalement, pense-t-elle, les souvenirs sont faits de la même matière que les rêves. Ils sont tricotés à même la pelote de la fiction. Quand on sait comment manier les aiguilles, on peut se confectionner de quoi se tenir au chaud. Il n’y a que la vérité nue qui donne froid dans le dos. » L’auteure truffe aussi les pages d’une ironie parfois rafraîchissante, parfois exaspérante.
Six mois sans pamplemousse aurait pu tomber dans le cliché d’une morale facile : profiter de la vie avant de mourir. Par contre, Carole Tremblay contourne les pièges et se garde bien de nous décrire le pire, nous léguant le meilleur, les bons souvenirs… Ce roman ne déplace pas les montagnes, mais il nous laisse sur une douce note de satisfaction.