Le garçon de café s’obstine, on dirait, à ne pas vous apercevoir alors que vous faites tout pour vous faire remarquer ; la bonne blague qu’on raconte et qu’on loupe ; les escargots qu’on exècre mais qu’on avale parce qu’on s’empêtre dans sa politesse ; le peintre fauché vaguement alcoolique dont vous êtes l’ami et l’infortuné mécène ; l’expérience du silence à l’occasion d’une première séance chez le psychanalyste : questions épineuses, positions précaires, amitiés coûteuses, circonstances embarrassantes, gênantes, bref situations diablement pénibles et bien souvent cocasses!
Dans Situations délicates, Serge Joncour relève avec justesse et humour les situations de la vie qui nous crispent, nous hérissent, nous agacent. Souvent, d’un malaise à peine perceptible en gêne plus appuyée, le protagoniste en remet, s’embourbe puis s’enlise : « Une connerie s’accomplit tant qu’on ne la réalise pas, dès lors qu’on l’interprète en tant que telle, rare qu’on continue. Le plus dommageable serait bien de faire mentir cette bonne image que tout le monde a de vous, cette belle impression que vous faites. »
Petite goujaterie, péché d’orgueil, hypocrisie de circonstance, pusillanimité, grossière méprise, vanité mal placée, tout y passe ! Serge Joncour a la langue bien pendue et la plume acérée.
Situations délicates nous démontre en quarante-quatre très brèves nouvelles écrites avec talent, sans fioriture et qui vont droit au but, que Serge Joncour maîtrise l’art de la nouvelle : il cerne en peu de mots un personnage, crée en quelques phrases une atmosphère et mène l’intrigue avec vivacité. Réjouissantes ces saynètes : à déguster, comme des friandises !