La destinée et la personnalité de Simone Veil sont de celles qui commandent une biographie. Rescapée d’Auschwitz, elle a vu sa carrière culminer en 1979 lors de son élection à la présidence du Parlement européen. Mais on se souviendra surtout d’elle pour avoir été, à titre de ministre de la Santé sous Valéry Giscard d’Estaing, le maître d’œuvre de la « loi Veil », qui dépénalisa l’avortement en France en 1975. Son engagement au service de la dignité humaine (notamment en ce qui concerne les conditions de vie des détenus au début de sa carrière dans les services correctionnels) restera le leitmotiv de son parcours.
Qu’un biographe éprouve de l’enthousiasme pour la personnalité dont il raconte la vie, il n’y a rien de plus normal, voire souhaitable. Il faut toutefois éviter de tomber dans le panégyrique, sous peine de desservir son propos. Jocelyne Sauvard, dans un style plutôt journalistique qui se veut percutant et finit justement parfois par assourdir, s’est donnée comme mission de chanter les vertus d’une femme infaillible qui a traversé plus ou moins dans l’isolement un monde hostile et insensible parce que essentiellement masculin, un monde où elle sera la seule, contre vents et marées, à faire preuve de cœur et à apporter un peu d’humanité. Il est permis de croire qu’un parti pris aussi emphatique ne fait pas justice à la femme certes déterminée, mais aussi manifestement pondérée, que fut Simone Veil.
Indéniablement, la femme mérite des éloges, mais ce qui fait l’intérêt d’une biographie, c’est le plaisir de découvrir une personne en chair et en os, non seulement dans ses qualités, mais aussi dans ses hésitations, dans les défauts qui la rendent humaine et qui livrent au lecteur une complexité à laquelle il peut s’identifier. Ici, au milieu d’un récit dont on ne peut nier le caractère exhaustif sur le plan factuel, on a malheureusement du mal à trouver la femme sous les superlatifs.