En 2036, l’économiste Wei Shu – dite l’Impératrice – accède à la présidence de la République populaire de Chine. Quatre ans plus tard, cette femme supérieure fera transférer le siège de l’ONU de New York à Shanghai, rien de moins. Un destin hors du commun.
« J’appartiens à la Chine et la Chine, au monde », notera Wei Shu dans son journal intime, ce qui donne le ton à son indéfectible quête de domination autant sur son pays que sur l’univers entier. Shanghai 2040, que le diplomate, journaliste et historien Jean-Louis Roy ajoute à sa longue bibliographie, est une œuvre savante, dont le style relève davantage de l’essai que du roman. L’érudit auteur est sans conteste un amoureux de la Chine dont il maîtrise autant l’histoire, la culture et les mœurs que l’économie ou les divers systèmes politiques qui ont prévalu dans l’empire du Milieu au cours de ses 4 000 ans d’existence. Au cœur de ce récit d’anticipation géopolitique règne Wei Shu, « à l’extrême politesse et à l’implacable rudesse », un être brillant, polyglotte et curieux de tous les savoirs.
Rarement a-t-on rencontré une protagoniste d’influence ou tout autre chef d’État imaginaire qui proclamait, en se projetant dans un dîner de rêve, désirer avoir « à sa droite, Maya Angelou, et à sa gauche, Fang Fang […], puis Marguerite Yourcenar ». Wei Shu ne cesse d’étonner. On apprend à connaître ses visées impérialistes, non pas par des dialogues, car le livre n’en contient guère, mais par ses innombrables discours savants où elle exprime sa vision du pouvoir et de la conquête. « Entre subir ou maîtriser, notre choix est manifeste, entre désordre ou harmonie, notre responsabilité est évidente. »
Jean-Louis Roy s’est amusé à explorer ce que pourrait être le véritable combat du XXIe siècle, à savoir quelle puissance dominera le monde ; ce pourrait être les États-Unis, qui tentent un retour à leur rôle traditionnel de leader international, ou la Chine, dont la puissance politique et économique ne cesse de grandir. Pour étayer sa thèse, Roy met en scène cette femme improbable, plus que parfaite, dont il dévoile peu à peu le parcours, l’entourage et la personnalité. Elle devrait son positionnement de personne la plus influente du Web à « sa beauté, son élégance, son rare talent de communicatrice, ses formules bien ciselées qui font toujours les manchettes ». N’en jetez plus, la cour est pleine.
L’actuel président et directeur général de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) raconte avec finesse la genèse de cette fabuleuse civilisation et illustre les derniers siècles de son histoire tumultueuse en détaillant le déchirant parcours des ancêtres maternels et paternels de Wei Shu. Celle-ci aurait-elle réussi une version améliorée du Grand bond en avant dont a longtemps rêvé – et qu’a par ailleurs raté – le Grand Timonier Mao ?
Traduite en anglais et en chinois, l’œuvre d’imagination Shanghai 2040 est née au terme d’une quinzaine d’années de gestation, avoue l’auteur. Les sinologues, amateurs ou pas, sauront apprécier.